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Réhabilitation des valeurs culturelles et du Vodun : Huit recommandations des acteurs de la chefferie traditionnelle

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Au cours d’un séminaire tenu vendredi 14 juillet à Abomey-Calavi, des acteurs de la chefferie traditionnelle ont formulé une série de recommandations dont la mise en œuvre contribuerait à la « protection, la conservation et la promotion des valeurs culturelles face aux enjeux du numérique et aux défis de la cybercriminalité au Bénin ».

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON

Les participants au séminaire initié par le Conseil suprême de la chefferie traditionnelle du Bénin (C.s.c.t-Bénin), sont unanimes sur la « mauvaise » santé de la chefferie traditionnelle et des valeurs culturelles en République du Bénin. Les menaces identifiées sont liées aux « mutations agressives des religions extérieures » ainsi qu’aux « enjeux du numérique ».

Ainsi, les chefs traditionnels recommandent « l’élaboration d’un projet de loi pour lutter contre les préjugés, la prédation et la diabolisation de la spiritualité vodun et du patrimoine culturel de la nation béninoise ». A ce sujet, le réquisitoire du communicateur Romain Bonou Oké épingle l’emploi des mots péjoratifs « charlatan, diable, idolâtres, païens, magiciens noirs, sorciers ou fétichistes » pour désigner des entités de la spiritualité Vodun. Il dénonce les productions cinématographiques et discographiques à caractère évangélique qui dénigrent la spiritualité vodun sans occulter le trafic « des œuvres spirituelles et leur exposition dans les musées des pays occupants à des fins économiques et de rente ».

Dans plusieurs églises, le vocabulaire attribué au Vodun est encore abondant en termes méprisants. Les Vodunsi sont communément désignés ‘’Kosinon’’, équivalent de « païens » par opposition à « yisenon/sinsԑnon » (croyants). Au cinéma les Vodunsi imités et fabriqués à l’écran tombent au moindre « sang de Jésus !», « feu du Saint-Esprit !». Ils apparaissent toujours sous les traits de sorciers, malfaiteurs qui doivent vite se convertir. Le plus emblématique est « Yatin ». Dans ce film assaisonné à l’hyperbole, le village éponyme apparaît sous la description d’un royaume du Vodun ; ce qui prend, tout au long des épisodes, la connotation de ténèbres, sorcellerie, d’envoûtement.

Le Bénin qui se donne pour vocation d’être la « Mecque » du Vodun connaît désormais une révolution. Le gouvernement a entrepris plusieurs travaux de réhabilitation dont la construction du Musée international du Vodun (Miv) de Porto-Novo. Le comité spécial scientifique du projet du Miv est ainsi chargé de l’élaboration d’une encyclopédie de 200 mots dont la finalité est de déconstruire les clichés encore très présents autour du Vodun.

La question du pillage du patrimoine culturel trouve, elle, une réponse dans la loi n°2021-09 du 22 octobre 2021 portant protection du patrimoine culturel en République du Bénin.

Enseignement

Aussi, le Conseil suprême de la chefferie traditionnelle du Bénin (C.s.c.t-Bénin) présidé par le roi Houézèzun Woudjigbé Alochewou plaide « l’introduction du patrimoine culturel dans les programmes de l’éducation nationale ». Les participants au séminaire souhaitent également un travail de rectification de l’histoire du Bénin dans les écoles et universités.

Cette préoccupation est aussi largement partagée aujourd’hui. En novembre 2021, trois commissions ad’hoc ont été mises en place au Collège C de l’Académie nationale des sciences‚ arts et lettres du Bénin. La deuxième coordonnée par l’académicien François Abiola a été chargée de «proposer un programme de recherche et de publication pour une lecture critique de la littérature existante sur l’histoire du Bénin et une réécriture de cette histoire ». Ce qui permettra d’arrêter la manipulation intellectuelle induite par l’enseignement de l’histoire écrite par les vainqueurs.

Vodun

Les acteurs de la chefferie traditionnelle appellent par ailleurs à l’institution de l’ « enseignement de la spiritualité vodun » à travers la création d’écoles ou « centres de la chefferie traditionnelle ». Plus intéressant encore, ils recommandent de « Renforcer le mécanisme d’interdiction du mariage entre les adeptes des cultes de la spiritualité vodun et les fidèles des religions extérieures ».

Communications

Trois communications ont été délivrées à l’occasion en présence du chargé de mission du chef de l’Etat, Julien Sinzogan. « Enjeux du numérique, lutte contre les crimes rituels et cybercriminalité au Bénin » a été développé par Vénérable Dansou Alphonse Gazozo, autorité traditionnelle du trône de la tribu de Togbui Folly Gbogbo. Avec les nombreux dossiers de crimes rituels et de cybercriminalité, « la pensée vodou est indexée, traitée de tous les noms et les pratiquants, du moins des dignitaires ou Hounnon, peints en noir », observe-t-il.

Le mal, à ses yeux, vient de la confusion et l’usurpation des titres et fonctions de Hounnon, Hounnongan, Yèhwouénon et les gaymen. « On ne décide pas de devenir volontairement Hounnon. On y est appelé par filiation, par legs ou par voie oraculaire, puis on suit une formation théorique et pratique pendant au moins un cycle d’apprentissage… et couronnée par l’attestation de son maître… Le Hounnon est donc un animateur du vodou, un maître traditionnel authentique qui officie devant une ou des Djowamon-culturels », rectifie-t-il.

Vénérable Dansou Gazozo, appelle alors à faire la démarcation entre les traditionnalistes authentiques et les « Hounnon/Bokonon akpodo akpa » qui sont des « escrocs régressifs » excellents dans des pratiques négatives. Il soutient la traque engagée par les pouvoirs publics afin de « décourager à jamais les déviants sociaux qui prétendent être de la spiritualité ancestrale vodun.

De son côté, le roi d’Agonlin, Dada Zéhè Mètokan Tookan, par ailleurs secrétaire général de l’Alliance des chefs traditionnels et coutumiers de l’Afrique de l’Ouest (Atct-Ao) a démontré lui que les technologies numériques constituent un véritable atout pour la sauvegarde et la promotion du patrimoine culturel. « La numérisation facilite la préservation et la diffusion à l’échelle planétaire du patrimoine culturel », a-t-il indiqué.

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La numérisation du patrimoine culturel s’avère donc un défi que seul l’Etat ne saurait relever. Le roi Zéhè assigne alors aux acteurs de la chefferie traditionnelle, des tâches cruciales telles que l’inventaire des éléments constitutifs du patrimoine culturel de leur communauté ; la numérisation des éléments de ce patrimoine culturel ; l’initiative des projets de réhabilitation des palais royaux, couvents, temples et autres sites touristiques et la promotion des foires, expositions et autres activités ludiques et récréatives basées sur la culture.

Rester en marge du mouvement du numérique « réduirait la visibilité sur nos biens culturels et conduirait à leur dégradation progressive voire leur disparition », a-t-il prévenu.

 

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