1. La névrose de l’évidence de la Loi
Les hommes vivent en société depuis que le Vodùn a servi de relations pour faire face à la contingence des conditions matérielles de vie et pour entretenir le regroupement en société ; et cela a mené au contrat ou pacte social. C’est ainsi que le fait ou ce que tout le monde a vécu ou vit a servi à établir la règle qui est toujours soumise à l’évolution; c’est pourquoi, l’étranger a toujours été considéré comme un messager des Vodùn. Ce n’est pas tant l’homme que les évènements qui sont en cause. Et je pense que dans le “fait” de l’actualité, il est vital que l’intellectuel, l’homme de science éclaire la société de par la raison des faits. Et le fait, c’est la suspension du groupe de presse “La Gazette du Golfe” qui a pris effet le mardi 08 août 2023 jusqu’à nouvel ordre; sanction prise par l’organe régulateur, la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac). Notons que ce qui est en cause, c’est bien plus la “raison” de la suspension que la suspension sur laquelle on peut gloser. Quelle est la raison “R” de la suspension ?
2. Épenchons-nous
Il nous faut énoncer une loi qui organise la découverte en science et qui explique l’émulation universitaire de la recherche: les faits contestent la réalité. C’est dire que si la réalité est perceptible par tous, les faits relèvent d’une construction intellectuelle qui présente la réalité dans sa dynamique inaccessible au profane; et cela engendre, comme conséquence, l’évolution des idées.
Ainsi donc, le fait de suspendre un organe de presse cache le fait pour lequel l’organe est incriminé : l’apologie des coups d’État; ce qui dénote de la chaîne des faits: le coup d’État qui a déclenché le traitement de l’information par La Gazette du Golfe pour édifier le peuple et dégager les sens cachés. En cela, surgit une interrogation: la suspension est-elle liée au format de l’émission ou des analyses qui y ont été faites par les invités ? Surtout lorsqu’on sait que les positions, l’argumentation des invités ne sont pas endossées par la ligne éditoriale du canard ou de l’organe de presse! Qu’à cela ne tienne ; il faut retenir que la subtilité est un facteur important dans la clarification des responsabilités. Et le rôle des analystes et de l’organe est une qualité dont la dynamique est essentielle à la production des conditions du contrat social : l’information analysée est comme de l’oxygène sans lequel le désordre de l’interprétation peut pervertir la conscience du peuple; d’où la fonction d’un organe de presse de tenir la dragée haute à tout venant, au risque de confusion et de se battre pour faire survenir l’analyse plurielle et manifester la contradiction, laissant aux téléspectateurs de trouver le soleil de la vérité.
3. Le Soleil du coup d’État du Niger
Ce n’est pas ici le coup d’État du 26 juillet 2023 qui a fait déposer le président élu Bazoum qui est en cause dans la polémique de la suspension de “La Gazette du Golfe”. En mon sens, ce qui est en cause, c’est la pertinence d’inscrire dans la Constitution béninoise, une disposition de cet ordre qui reste un pied de nez à la turpitude de tout pouvoir élu; car, le seul détenteur de la souveraineté reste le constituant pour lequel, et au nom duquel et surtout, au profit duquel le législateur a pensé voter une telle disposition jugée salutaire et lénifiante: prohiber l’apologie des coups d’État! La question serait de déterminer la nature de “toute apologie” lorsqu’est engagée l’évidence d’un mouvement qui fait partie du mouvement général du pouvoir, alors qu’en termes de muscles, donc de la normalité du mouvement, les raisons du fait déclencheur, peut relever de l’organe même de prohibition? La raison d’un coup d’État ne réside pas dans le fait, mais plutôt, est suscitée par une appréciation tirée et située dans la nature de partenariat entre les muscles qui déclenchent et entretiennent le mouvement général: la garde présidentielle et l’autorité présidentielle ! Les deux sont des muscles du mouvement général du pouvoir. Autrement dit, aucun législateur, humainement dit, et intellectuellement envisagé, ne peut s’offrir une garantie de profiler l’évidence d’une “prohibition” en cette matière d’un sous-système du pouvoir: la garde présidentielle, excroissance de l’armée.
C’est une “bizarrerie” au Bénin, que même les inventeurs de la clause de sauvegarde de l’ordre dit constitutionnel n’ont jamais osé formuler ainsi la “prévention” constitutionnelle. Mieux, l’apologie est une formalité logique de l’expressivité humaine: on aime ou on n’aime pas; on en fait l’éloge. La dualité des émotions et des sentiments qui servent de matériaux à formaliser le raisonnement y est puisée: l’éloge de ce qu’on aime ou n’aime pas. Hors de l’apologie dirions-nous, il n’y a point d’existence objective, pas de communication; la Haac n’existerait pas sans apologie. Or, un organe de presse, oral , écrit ou électronique, même les réseaux sociaux, vit de l'”apologie”, de l’éloge ou fait de se communiquer ce qu’on aime ou n’aime pas. C’est la base angulaire de la subjectivité ; et l’objectivité surgit à la frontière de deux subjectivités, par “apologie” présumée.
4. Le mouvement de la suspension
On peut en définitive constater que la Haac a suivi le mouvement d’éprouver l’action de se conformer à une disposition constitutionnelle; et que l’institution a fonctionné; elle a fait l’apologie d’une disposition constitutionnelle qui interdit l’apologie des coups d’État; mais, il y a ceux qui justifient les coups d’État, et ceux qui disent pour quoi ils n’aiment pas les coups d’État. Simplement, on se rend compte à l’analyse que c’est à l’expressivité de la vie que cette disposition s’en prend; et même que la disposition elle-même a fait l'”apologie” d’une position qui comprend le fait d’élocution du législateur dont se rit le constituant. C’est une faiblesse dans la chaîne de la communication législative, dont le rédacteur n’a pas trouvé la formule diplomatique de la prose littéraire ou épistémologique.
En d’autres termes, la matière incriminée par la Haac n’est pas tant le fait dont La Gazette du Golfe se serait rendue coupable, que la turpitude d’un législateur qui est en porte à faux avec la finesse d’une langue juridique dont il n’a pas su maîtriser l’artifice de l’énonciation, aux fins de satisfaire une intention non consensuelle.
Conclusion
Qui a induit la Haac, dans l’exercice supplémentaire d’une suspension dont elle eût fait l’économie, à commettre l’apologie d’une interdiction de faire l’apologie ? Ce n’est pas La Gazette du Golfe qui a favorisé l’apologie de l’expression subjective de l’énonciation collective, en vue de faire la part de lumière sur l’apologie que chaque citoyen peut avoir d’un fait survenu au Niger. La Haac n’a pas commis une erreur; mais, la Haac doit économiser maintenant le terme de «jusqu’à nouvel ordre»; car, tout Ordre vise l’apologie de l’ordre suffragé !
Dr (MC) Raymond ASSOGBA, Sociologue et Boologue.
La Gazette du Golfe : Prof. Assogba opine sur sa suspension