Une enquête d’Afrobarometer montre que 69% de béninois attendent des médias qu’ils publient «sur la corruption et les erreurs du gouvernement». Par contre, 30% des enquêtés affirment que « Trop de publications sur les évènements négatifs comme la corruption et les erreurs du gouvernement sont nuisibles au pays».

La tendance majoritaire se prononce en faveur d’une plus grande liberté de la presse. 68% des citoyens soutiennent que « Les médias devraient être libres de publier n’importe quelles opinions ou idées sans le contrôle du gouvernement». Parlant de censure, les résultats de l’enquête affichent clairement l’insatisfaction des béninois. Puisque 54% trouvent la presse «Pas très/Pas du tout libre».
Habitude de consommation
La radio se place en tête des canaux d’information privilégiés des populations. En effet, 79% des enquêtés d’Afrobarometer écoutent la radio, soit tous les jours (41%) ou quelques fois par semaine (24%). La télévision, les réseaux sociaux et Internet suivent. La presse écrite ferme la marche. Les données confirment le déclin du journal imprimé : 69% des béninois disent ne recevoir jamais des informations provenant d’elle.

La preuve, les journaux papier s’amoncellent au plus grand kiosque de Cotonou sans trouver de preneur. Sur environ une dizaine d’organes qui impriment régulièrement encore, le tenancier du kiosque peut écouler moins de 5 exemplaires par jour. La frénésie de la digitalisation des médias au Bénin montre bien la prise de conscience des dirigeants et promoteurs d’entreprise de presse.
Précarité et entraves, appelle à un Plan Marshall
L’Upmb, le syndicat des professionnels peint, en cette journée internationale de la liberté de la presse, un tableau peu reluisant. Elle déplore «la dégradation continue des conditions de travail» des acteurs des médias.
Une situation qui «a accentué la précarité des conditions de vie des acteurs des médias qui peinent, en raison, entre autres, de l’absence de salaires décents, la non application de la convention collective, l’absence de sécurité sociale, le fonctionnement approximatif des entreprises de presse, à la rareté des activités de renforcement des capacités… à exercer leur métier dans la dignité et à faire davantage preuve de professionnalisme».
L’Union présidée par Zakiath Latoundji, constate que les douze derniers mois ont été fait de «multiples entraves d’ordres légal, réglementaire, économique, sécuritaire…» Notamment, de «nombreux cas d’interpellation» de journalistes …à l’occasion de la réalisation de productions relatives au terrorisme, et un difficile accès aux sources sûres et fiables d’information».
L’Upmb interpelle alors les acteurs des médias, le gouvernement et l’Assemblée nationale et appelle à la mise en place urgente d’un “Plan Marshall”. Elle sollicite des « des réformes audacieuses dont la relecture de la [très décriée] Loi n° 2017-20 portant Code du numérique en République du Bénin».
L’Upmb plaide pour «un environnement juridique sûr et un financement adéquat du secteur des médias à travers l’opérationnalisation urgente du Fonds d’Appui au Développement des Médias (Fadem) [suspendu depuis l’arrivée au pouvoir du président Talon]».
Cette année, le Bénin occupe la 89e/180 place dans le classement de Reporter sans frontières, contre 112 en 2023.
La liberté de ton des journalistes a fortement diminué ces dernières années au Bénin. Le paysage médiatique du pays est diversifié, mais marqué par l’absence de grandes entreprises de presse viables.
RSF

En février dernier, le président Patrice Talon a provoqué la colère dans la corporation. Lors d’une conférence de presse, il a estimé que les médias ne jouaient pas convenablement leur rôle de sensibilisation, de décryptage dépassionné de l’actualité, de clarification du débat. «Parfois je suis outré par la timidité des médias», a-t-il alors déclaré d’un ton grave.