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Mineures violées : Yabo, mère à 14 ans, quand le refus d’IVG sécurisé devient une double peine

Par admin
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À 14 ans, Yabo est déjà maman. Son bébé attaché au dos en ce matin d’août 2025, son regard vide en dit long sur le fardeau qu’elle porte. « Je ne suis pas contente d’avoir un enfant… je n’en voulais pas », murmure l’adolescente, élève en classe de 4ᵉ. Elle raconte avoir été piégée alors qu’elle vendait des pommes. Un client, âgé de 25 ans, a refusé de payer, l’a attirée dans sa chambre et l’a violée. Neuf mois plus tard, un enfant est né, imposé par la force et par le silence.

Par Fleur Olive OUSSOUGOE

À ses côtés, ce matin-là, sa mère explique en langue fon, langue véhiculaire du Bénin, « Ce n’est qu’à six mois de grossesse que j’ai découvert la vérité, après un palu. » Face à une grossesse si avancée, la mère de la jeune fille fait un choix : « J’ai préféré qu’elle garde. Mais je l’accompagne, ainsi que son père et ses frères. Nous faisons face en famille. »

Depuis 2003, la législation béninoise autorise l’Interruption volontaire de grossesse (IVG) pour les victimes de viol, d’inceste ou en cas de danger pour la santé de la mère. Ces conditions ont été élargies par la loi modificative sur la santé sexuelle et reproductive en 2021. Malgré ce cadre légal, les mineures victimes de viol se heurtent souvent, au Bénin, aux refus parentaux et aux barrières socioculturelles.

Selon l’Unicef, « Au Bénin, 91 % des enfants de 1 à 14 ans ont vécu au moins une forme de violences physiques et une fille sur dix risque d’être l’objet de violences sexuelles et d’attouchements. »

Au Guichet unique de protection sociale (GUPS) de Kétou, Justine Adjaho, cheffe de la division d’appui à la protection de la famille et de l’enfant, et point focal de l’Institut national de la femme (INF), salue le courage de la jeune fille : « Elle a accouché trois jours avant les compositions de fin d’année. Malgré la césarienne, elle a obtenu une bonne moyenne et passe en 4ᵉ. »

Le GUPS lui a apporté un soutien émotionnel et juridique, et l’auteur du viol a été arrêté puis présenté au procureur, a-t-elle déclaré sans donner plus de détails.

Prise en charge médicale

Les grossesses précoces comportent de graves risques, selon les spécialistes : anémie, complications obstétricales, mortalité maternelle. « La grossesse a été déclarée tardivement et Yabo n’a pas suivi de consultations prénatales. Nous avons dû pratiquer une césarienne, car elle ne pouvait pas accoucher par voie basse », explique Emmanuella Kiki, sage-femme d’Etat au centre de santé communautaire de Kétou. Elle insiste : « N’oubliez pas, c’est une adolescente de 14 ans ».

Marilyne Sourou, juriste et spécialiste en Droit à la santé sexuelle et reproductive (DSSR), rappelle que « l’’IVG est un soin essentiel auquel chaque femme ou fille peut avoir accès. Mais pour une mineure, la demande doit être initiée par ses représentants légaux et le consentement de l’adolescente est requis préalablement. Quand il y a divergence d’opinion, l’assistant social doit intervenir et porter l’affaire auprès du juge de tutelle ».

Dans le cas de Yabo, ses parents auraient pu faire cette demande et lui éviter ce destin. « Malheureusement, elle devra porter ce poids toute sa vie», regrette l’experte.

Les séquelles psychologiques

Pour le psychologue clinicien André Alihonou, le viol peut être déjà un traumatisme profond. Lorsqu’il entraîne une grossesse, « cela devient un double fardeau : celui du viol et celui de l’enfant né du viol. Parlant des conséquences psychologiques d’un viol qui aboutit à une grossesse, le psychologue clinicien évoque le syndrome de stress post-traumatique : cauchemars, flashbacks, hyper vigilance.

La victime peut faire aussi une dépression, avec une tristesse profonde, perte d’intérêt pour la vie, et développée des idées suicidaires. Avec un enfant issu de ce viol, poursuit-il, le bébé est comme un rappel constant de l’agression. Ces filles ont besoin d’un accompagnement psychologique continuel et adapté au traumatisme vécu.

À Kétou comme partout au Bénin, chaque refus d’IVG pour une victime mineure rappelle que la bataille n’est pas seulement juridique. Elle est aussi sociale, culturelle et psychologique. Une bataille pour briser le silence et redonner aux filles le droit de choisir.

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