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Le Lieu UNIK à Abomey : Quand le dessin réveille les consciences

Par admin
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Dans le centre de création artistique dirigé par Jonas Vignon Kounou, quinze jeunes Béninois découvrent leur patrimoine culturel lors d’une visite guidée atypique. Leur formatrice Anaïs Edely, illustratrice franco-allemande témoigne de l’expérience qui a transformé leur timidité en engagement.

« Quand vous venez ici, vous êtes chez vous. » Monsieur Jonas Vignon Kounou accueille personnellement chacun des visiteurs du Lieu UNIK dont il tient la direction. Face à son sourire engageant, même les ”zem” [conducteurs de Taxi-moto, ndlr] s’arrêtent spontanément pour visiter le centre de Dominique Zinkpè.

Un lundi de juillet, c’est à mon tour de prendre la piste qui mène au centre d’art. J’y lance “Regards croisés”, un atelier pratique de dessin d’observation et d’éducation aux médias. Mon collègue Armand Guéhou, engagé dans le milieu socio-éducatif du Zou, co-anime l’atelier. Les participants sont déjà là, assis dans l’imposante salle de spectacle aux murs de terre rouge. Ils patientent en silence, sous le haut plafond couvert de tôle. Agés de 15 à 22 ans, ils ne se connaissent pas encore. Merveille-Grâce est étudiante en sciences juridiques, Pierro en génie civil. Jeanne-Marie et Yasmine sont encore scolarisées. Arsène et Anne-Marie sont apprenties en couture et coiffure. Une passion les rassemble: le dessin. Dans les deux semaines à suivre ils vont dessiner leur quotidien en autonomie et partager quatre demi-journées intenses à croquer et discuter le réel ensemble au Lieu UNIK.

L’art devient un support de discussion et de réflexion

Le premier jour, ils sont visiblement dans la retenue. Quand bien même ils prennent la parole, je vois leurs lèvres qui bougent sans produire de sons. Le deuxième jour, tout change lors d’un événement qui n’était pas au programme: le long de l’allée bordée de grands arbres, les participants écoutent les paroles de Monsieur Jonas, qui les guide dans le jardin du centre. Carnet de croquis à la main, ils s’activent à dessiner les sculptures colorées de l’artiste Élise Tokoudagba, sans en avoir reçu la consigne. Ils prennent des notes et comme par magie, leur langue se délient. Le déclic se produit devant une sculpture qui représente la divinité vaudou/vodun Lègba. Symbole de la fécondité des rencontres et des unions, l’œuvre fait naître une discussion inattendue sur la santé sexuelle.

Jonas Vignon Kounou excelle dans l’art de créer des ponts entre le patrimoine culturel de l’Afrique de l’ouest et le quotidien des jeunes Béninois. Il tient le groupe en haleine. Devant la sculpture anthropomorphe du poisson, emblème du roi Béhanzin “le requin dans l’océan qui va renverser les bateaux [des colons]”, il évoque le tabouret cérémoniel du Kataklè, récemment restitué par la Finlande. « Qui était informé de la restitution des 26 trésors par la France il y a quatre ans ? [volés en 1892 par les forces coloniales françaises] » leur demande Armand. Seulement quatre participants lèvent la main. Une prise de conscience s’opère au sein du groupe : au Lieu UNIK l’art devient un support de discussion et de réflexion. Il examine des sujets qui les concernent, de l’histoire de leurs ancêtres aux préoccupations contemporaines qui les entourent.

Aiguiser le regard, stimuler la créativité

Lieu UNIK
Dessin: Jeanne-Marie. Esquisse de la “Maison machette” de Freddy Tsimba

De retour en salle, les croquis deviennent outils pédagogiques. Face aux esquisses qu’ils ont fait de l’œuvre “Maison machette” du sculpteur congolais Freddy Tsimba, les participants comparent détail et minimalisme (représenté ici). Leur verdict tombe : “Cela suffit à reconnaître l’œuvre.” Jour après jour, le dessin d’observation fait ses preuves comme outil pour aiguiser le regard, stimuler la créativité mais aussi pour développer l’esprit critique de chacun: les observations clefs à l’apprentissage du dessin s’accumulent et l’aisance à formuler leur pensée lors des échanges collectifs grandit.

Pour clôturer le projet, les participants organisent leur propre exposition. Ils conçoivent une visite guidée et animent un atelier de dessin qui rencontrent un franc succès. Les jeunes ont su activer ce lieu, se l’approprier. « Le Lieu UNIK leur est devenu familier. Il leur sera d’autant plus naturel de revenir l’habiter dans le futur », conclut Anaïs Edely.

Biographie

*Diplômée de l’École Estienne en illustration et ancienne boursière de la Fondation Vallet (bourse d’excellence de l’académie de Paris), Anaïs Edely développe des illustrations, infographies et graphic-recordings pour des clients du secteur de l’information, de l’éducation et de la culture, notamment la tageszeitung (quotidien allemand de gauche, critique, indépendant et engagé sur les questions environnementales, sociales et politiques), la taz Panter Stiftung (Fondation qui soutient le journalisme indépendant, les médias alternatifs et la liberté de la presse) et Brot für die Welt (Ong protestante d’aide au développement durable).

Par ailleurs, elle donne des conférences et anime des ateliers interdisciplinaires qui explorent les applications du médium du dessin dans d’autres disciplines. Son travail de transmission l’a menée au Goethe-Institut Rotterdam, à l’École supérieure des arts de Berlin-Weißensee et à l’Africa Design School. Son projet : “Regards croisés”, un atelier de dessin et d’éducation aux médias a reçu le soutien de la fondation Vallet et la taz Panter Stiftung.

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