Home Actualité « Ce qui s’est passé en 2019, c’est le président Yayi Boni qui a été le seul responsable »

« Ce qui s’est passé en 2019, c’est le président Yayi Boni qui a été le seul responsable »

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
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Alors que Boni Yayi a accusé, il y a une semaine, le président Talon de mener une « politique systématique d’exclusion » depuis 2016, ce dernier lui a retourné la responsabilité, mardi 4 novembre. Dans un récit inédit sur Bénin Tv, il a détaillé comment Boni Yayi a refusé, selon lui, le consensus, empêché la tenue normale des élections de 2019 et sabote systématiquement toutes les réformes.

Journaliste : Bonsoir à toutes et à tous et bienvenue dans cet entretien exceptionnel avec le président Patrice Talon, qui prend aujourd’hui la parole au cœur de ce qui ressemble à une tambouille préélectorale. Monsieur le Président, bonsoir. Merci de nous recevoir ici dans l’un de vos bureaux du Palais de la Marina.

Monsieur le Président, l’ambiance préélectorale, vous le savez, elle n’est pas des plus sereines, puisqu’il y a encore des partis politiques qui n’arrivent pas à satisfaire aux conditions prévues par les lois électorales. Comment appréciez-vous cette situation ? Et puis, avec le recul, est-ce que la réforme du système partisan n’est pas un peu trop exigeante ?

Je dois vous avouer que la situation dans laquelle se trouve la dynamique électorale ne m’enchante pas du tout. Elle porte préjudice à l’image de notre pays.

Mais pour autant, il n’y a pas lieu d’indexer la réforme du système partisan, encore moins le code électoral. Les infortunes qui s’observent chez Les Démocrates sont-elles la conséquence d’un code électoral trop contraignant ? Ou résultent-elles d’une main cachée, en l’occurrence celle du président Talon ? Comme je suis devenu le souffre-douleur du président Boni Yayi et le bouc émissaire idéal pour tout ce qui ne va pas chez Les Démocrates, que puis-je dire pour ne pas être condamné ? Je suis le coupable idéal. Mais avant d’aller à l’échafaud, je vais vous dire à vous toute la vérité, tout ce que j’essaie de couvrir depuis fort longtemps en raison de ma charge et de la réserve que cela m’impose.

En effet, depuis 2016, mon prédécesseur, le président Boni Yayi, s’emploie avec beaucoup d’énergie à faire échec à toutes les réformes, quelles qu’elles soient, et à l’action publique, quel que soit le secteur. Avant 2016, tout le monde priait pour une réforme du système partisan. Nous l’avons engagée et j’en suis fier. Elle consistait à encourager, voire contraindre, les partis politiques au regroupement.

La Fcbe, qui était à l’entame de la réforme, je crois le parti le plus grand de la centaine de petits partis que comptait le Bénin, avait l’opportunité d’absorber un grand nombre de ces petits partis et de devenir un grand parti d’envergure nationale pour peu qu’elle en ait la volonté. Mais comme c’est une réforme engagée par Patrice Talon, pas question. Pas question que cette réforme prospère, même si la Fcbe devait en profiter.

De même, l’appel de Patrice Talon à entrer en partenariat avec la FCBE et à accueillir des cadres FCBE dans la gouvernance politique et technique du pays a été refusé à tous ceux qui ont estimé le contraire et ont montré leur disponibilité à collaborer. Tous ceux-là ont été bannis. Cette volonté du régime de la rupture d’associer toutes les compétences et bonnes volontés, quels que soient leurs bords politiques, à la construction du pays, s’est manifestée très tôt et ce, dès la formation du premier gouvernement.

C’est dans cette perspective d’ailleurs que M. Jean-Claude Houssou, membre du staff de campagne de Lionel Zissou, a été appelé au gouvernement en qualité de ministre de l’Énergie dès le lendemain de l’élection présidentielle.

Beaucoup d’autres, en raison de leurs compétences techniques ou de leur leadership politique, ont été appelés pour servir le pays aux côtés de Patrice Talon, élu comme président de tous les Béninois et non comme président d’une partie des Béninois. Certains restaient fidèles à la ligne du parti et de son chef, je parle de la Fcbe, du président Yayi Boni, sont manifestement entrés en quasi-rébellion contre le nouveau régime et ceux qui ont choisi de servir le pays à mes côtés ont été, comme je l’ai dit, purement et simplement bannis.

Ce sont ces deux phénomènes, refus d’adhérer aux réformes politiques et refus de toute collaboration avec le nouveau régime, qui ont conduit pratiquement à la scission de la Fcbe puis à la création du parti Les Démocrates. Je résume. Et je peux vous dire que le point d’orgue de cette opposition radicale de principe a été atteint à l’occasion des élections de 2019.

Mais de quoi s’est-il agi concrètement, monsieur le président ?

Mais vous n’avez pas manqué, en tant que Béninois, de suivre les événements, tout ce qui s’est passé au Parlement, puis à l’occasion de l’élection, avec les drames qui ont suivi. Souhaitez-vous que j’aille dans le détail ?

Allons-y, on veut bien comprendre, monsieur le président.

Je crois que c’était en février 2019 que j’ai reçu ici au Palais l’ensemble des partis politiques représentés au Parlement, parce que nous venons d’engager la réforme du système partisan.

Les textes adoptés, qui répondaient parfaitement à l’attente de tous avant 2016, ces textes ont commencé à être boudés par une partie de la classe politique, notamment la FCBE d’alors. Et ils ont estimé que les nouveaux textes n’étaient pas convenables, trop rigides, et risquaient de ne pas les faire gagner les élections.

Mais comme nous sommes au début du processus et qu’il fallait trouver un terrain d’entente, j’ai accepté que l’ensemble des acteurs politiques au Parlement se mettent ensemble pour trouver les textes qui, selon eux, permettraient à tout le monde d’aller aux élections sereinement, tout en engageant la réforme du système partisan, de ne pas rester au statu quo de notre passé connu, excusez-moi le terme, de pagaille politique, mais d’engager une réforme qui reste à la portée des uns et des autres.

Les rencontres ont eu lieu au Parlement, sous la présidence du Président Houngbedji, président de l’Assemblée à l’époque, et un consensus a été trouvé. L’ensemble de tous les acteurs représentés au Parlement ont abouti à un consensus. Je crois que ce consensus a été consigné dans ce document le 18 mars 2019.

Ceux représentant l’opposition dans le comité sont allés voir le président Yayi Boni pour lui présenter le consensus. Mais tenez-vous tranquilles, le président Yayi Boni a refusé que le consensus soit adopté, que les textes prévus pour être votés afin non seulement d’engager la réforme, mais de permettre à tout le monde d’y aller plutôt aisément, ces textes ont été refusés par le président Yayi Boni, qui a dit aussi à ceux qui sont venus le rencontrer, que les choses n’ont qu’à rester en l’état, que si l’élection ne doit pas avoir lieu, elle n’aura pas lieu. Et que nous verrons bien.

La mort dans l’âme, ses propres représentants revenus au Parlement, ont indiqué que bien qu’ils aient travaillé au consensus, que les nouveaux textes devant être prêts leur convenaient bien, mais que la ligne du parti ne permet pas d’avancer et de signer quoi que ce soit. Encore moins de voter de nouveaux textes, puisque il était prévu que les textes changent.

Je dois préciser qu’à la suite des négociations au Parlement, tous les représentants de chaque camp, Mouvances, Opposition et consorts, comme je disais tout à l’heure, après avoir abouti au consensus, tous les représentants désignés avaient signé l’accord de consensus. Donc avant d’aller soumettre cela au président Yayi Boni, c’est parce que celui-ci a refusé qu’il n’est pas question que le consensus soit mis en œuvre, qu’ils sont donc revenus et ont dénoncé leur propre signature. Ils l’ont déniée finalement après l’avoir signée.

Cela je tiens à le préciser parce que pour tout le monde, il paraissait évident que ce consensus soit mis en œuvre. C’est pour ça que je crois que les représentants de l’opposition n’ont même pas estimé nécessaire d’aller solliciter l’approbation du document avant de le signer. C’était évident pour eux parce que tout ce qu’ils ont demandé a été pris en compte.

Mais malheureusement, l’approbation du président Yayi Boni n’a pas été obtenue. Ils sont revenus au Parlement pour dénier leur propre signature et se retirer de la salle. Et d’ailleurs, à la mise en œuvre des textes, je crois que je n’ai plus le bon souvenir, toutes ces questions ont été évoquées. Ils sont carrément sortis de la salle.

Voter un nouveau texte, il n’en avait rien à faire. Continuer avec les textes existants, pareil. Est-ce qu’il fallait bloquer le pays ? S’arrêter là, on fait quoi ? Avec les textes existants ou de nouveaux textes, rien ne se fera. Le Parlement a continué avec les textes existants et nous sommes allés aux élections législatives 2019. Vous connaissez la suite.

Et c’est quelque chose que je n’ai jamais voulu évoquer dans ces détails-là, parce que je pense que, comme dit le président Yayi Boni lui-même, les intrigues du genre peuvent être gérées sans que l’opinion, dans son ensemble, ne découvre ces détails qui ne nous honorent pas. Et encore moins un ancien président de la République.

Mais je suis tenu à la fin de dire, que tout le monde m’entende, que ce qui s’est passé en 2019, c’est le président Yayi Boni qui a été le seul responsable. Il a empêché la tenue normale des élections. Il a empêché les démocrates de participer aux élections. C’était la FCBE à l’époque. Parce qu’il a empêché que des textes consensuels soient mis en œuvre pour permettre une élection apaisée. Il a pratiquement empêché que les élections aient lieu dès l’adoption des textes au Parlement.

J’ai assumé. J’ai été vu comme celui qui est à l’occasion, qui est à l’origine des violences électorales que nous avons connues. C’est mon rôle, celui de la charge, j’ai assumé. Mais ce qui se passe, et qui continue de se passer, je ne peux pas nous permettre de rester silencieux. Indéfiniment. Alors, je crois que, à la suite de cet événement, nous avons eu droit à l’installation de ce Parlement qualifié de monocolore, la 8e législature donc qui s’est installée sans la FCBE. Et donc, il a été qualifié de monocolore (…)

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