« À la croisée des théologies : une mise en perspective croisée des théologies du Vodun, du Christianisme et de l’Islam ». À l’invitation de trois institutions universitaires, des chercheurs laïcs ainsi que les dignitaires et/ou sympathisants des trois obédiences se sont rencontrés, vendredi 14 novembre dernier à l’Université d’Abomey-Calavi. Ce genre de rencontre, dont les participants ont souhaité l’institutionnalisation, vise à renforcer le vivre-ensemble.
Dégager des points de divergences et de convergences. Au cœur des débats : des sujets fondamentaux qui touchent à l’essence même du sacré. L’idée de Dieu, sa nature et sa conception; la relation entre Dieu, les créatures et la nature; les formes d’adoration et de dévotion; les notions de grâce, de dons et de bienfaits; les conceptions du paradis, de l’enfer, de la résurrection et de la réincarnation. Ou encore les vertus, valeurs et principes moraux fondamentaux; les rites et les offrandes comme médiations entre l’humain et le divin.
Le succès de cette rencontre réside dans la liberté de parole. Les frustrations ont pu s’exprimer sans faux-semblants, comme en témoigne cette interrogation poignante de Maître Bobos : « J’ai des amis musulmans, chrétiens; je mange chez eux tous, mais eux jamais n’acceptent de manger chez moi. Où est l’amour ? » s’est-il alors interrogé. Cette anecdote illustre le chemin qui reste à parcourir pour passer d’un simple “vivre-ensemble” à un “dialogue existentiel”, comme l’a défini le pasteur Ahoga en identifiant quatre niveaux d’échange.
Selon les participants, le frein au dialogue n’est pas théologique, mais humain. « La théologie chrétienne est une porte vers le dialogue interreligieux », soutient Dr Gaspard Moyede, pasteur méthodiste. Un avis partagé par un imam présent : « Le message religieux n’envoie pas faire la guerre ». Où est le problème ? « Le problème, pour moi, c’est nous-mêmes », répond cet enseignant de l’histoire du christianisme à l’Upao. Une conviction que Koffi Aza, qui a développé la théologie du Vodun, a nuancée en pointant deux autres entraves « l’argent et [la volonté de] domination géopolitique »
Des recommandations pour l’avenir
Pour pérenniser cet élan, les organisateurs recommandent aussi la création, sous l’égide du Larred, d’un cadre interreligieux permanent de dialogue et de recherche, le développement de programmes de formation et de sensibilisation à la tolérance religieuse dans les écoles et universités et le soutien accru des autorités politiques et religieuses à toute initiative visant la coexistence pacifique et le respect mutuel entre croyants de différentes confessions.
« Ce symposium marque une étape historique dans la construction d’un dialogue interreligieux authentique au Bénin. Il a démontré que la diversité religieuse, loin d’être une source de division, peut devenir une richesse pour la nation et un levier pour une société fondée sur la compréhension, la tolérance et la paix. » lit-on dans le communiqué.
La découverte d’une théologie du Vodun
« Cette première séance a atteint largement ses objectifs », reconnaît d’entrée, au cours de sa synthèse, le professeur titulaire Dodji Amouzouvi. Une révélation majeure en est ressortie pour de nombreux participants : le Vodun, souvent perçu comme un simple ensemble de pratiques, dispose bel et bien d’une théologie. « très peu de gens savent qu’il y a une théologie du Vodun. Je pense que les travaux vont impacter, et amener les gens à savoir que le Vodun dispose d’une théologie en construction »
Les discussions, a-t-il observé, ont montré que toutes les religions portent et enseignent des valeurs. « Chaque théologie a convergé vers un Être absolu, indépassable. Ce qui a réveillé la question fatale : où est donc le problème ? Le problème c’est donc nous, nos pratiques sur le terrain. » a-t-il résumé. Par conséquent, la
« Première condition pour qu’on puisse s’ouvrir : que chacun sache ce qu’il fait chez lui et ce que l’autre fait chez lui. Nous avons du travail à faire pour montrer toute la noblesse, la splendeur de toutes les théologies. » a conclu Dodji Amouzouvi.
Le symposium est une initiative du Laboratoire d’analyse et de recherche religions, espaces et développement (Larred), en partenariat avec le Centre d’études sociologiques et de science politique (Cespo) et l’Université protestante de l’Afrique de l’ouest (Upao). Elle a été parrainée par l’École doctorale pluridisciplinaire de l’Université d’Abomey-Calavi (uac).
Un prêtre catholique a toutefois exprimé le souhait que ce cadre, cette croisée des théologies « garde une neutralité et ne pas s’inscrire dans une apologie culturelle ».
