Deux décennies après les premières stratégies de développement numérique, l’Afrique affiche des progrès notables dans des domaines comme la téléphonie mobile, le paiement digital et la gouvernance numérique. Mais les défis restent immenses, notamment la connectivité inégale, l’absence d’identité numérique pour près de la moitié de la population, le manque de compétences et la faiblesse des infrastructures. Le sujet a été abordé lors du Forum africain du Sommet mondial sur la société de l’information (Smsi+20) tenu du 14 au 16 mai à Cotonou.
Présent à Cotonou dans le cadre du Forum africain du Sommet mondial sur la société de l’information (Smsi+20), Dr Mactar Seck, chef de la section innovation et technologie à la Commission économique pour l’Afrique (Cea), a dressé un bilan contrasté de vingt années de développement numérique sur le continent.
Selon le point focal de la Cea pour le Smsi et le Forum sur la gouvernance de l’internet, la téléphonie mobile a connu un essor fulgurant en Afrique ces dernières années. « En 2000, nous avions sur le continent 91 millions d’abonnés à la téléphonie mobile. En 2010, ce nombre est passé à 380 millions. En 2024, nous en sommes à 1 milliard 180 millions », a souligné Dr Mactar Seck. Le taux de couverture dépasse désormais les 100 %, car de nombreux utilisateurs possèdent plusieurs cartes Sim. L’accès à internet a aussi progressé. « Nous sommes passés de 2,6 % d’utilisateurs en 2005 à 39 % en 2024 », a-t-il indiqué. Mais cette évolution reste insuffisante, puisque 800 millions d’Africains ne sont toujours pas connectés.
L’Afrique en tête du paiement mobile
En matière d’innovation, le continent peut se réjouir de sa position de leader mondial du paiement mobile. « 63,5 % des transactions mobiles mondiales sont effectuées en Afrique », a déclaré Dr Seck. Par ailleurs, 21 millions d’Africains utilisent déjà les réseaux 5G, signe d’une adoption progressive des technologies de pointe.

Dr Seck a salué les efforts des États africains en matière de gouvernance numérique. « Pratiquement 100 % des Parlements en Afrique sont connectés à internet », a-t-il affirmé. De plus, des services publics numériques sont désormais disponibles dans la plupart des pays, et le secteur privé s’investit dans le développement des infrastructures.
Malgré ces avancées, plusieurs défis majeurs subsistent. « Environ 450 millions d’Africains ne disposent d’aucune forme d’identité », a-t-il rappelé. De plus, « 42 % des Africains ne possèdent pas de compétences numériques ». Le continent ne détient que 2 % des centres de données dans le monde, et « 600 millions d’Africains n’ont pas accès à l’électricité ».
Une stratégie continentale pour 2030
Pour répondre à ces enjeux, l’Union africaine, avec le soutien de la Cea, a adopté en 2020 une Stratégie africaine de transformation numérique pour la période 2020-2030. « Elle vise à garantir l’accès à la connectivité pour tous les Africains d’ici 2030 et à rendre les équipements téléphoniques accessibles à moins de 100 dollars », a précisé Dr Seck. Ainsi révèle-t-il, plusieurs pays ont déjà mis en place des unités d’assemblage de téléphones, et six autres sont en cours de démarrage.

Dr Mactar Seck a alors insisté sur l’importance du forum tenu à Cotonou. « Les assises d’aujourd’hui nous permettent de discuter de ce que nous avons accompli, d’identifier nos principaux défis et de définir la voie à suivre ». Il s’agit d’un appel à la mobilisation pour que l’Afrique poursuive et accélère sa transformation numérique dans un esprit d’inclusion et de durabilité.