Le Bénin accueille, à travers le Centre de perfectionnement aux actions post-conflictuelles de déminage et de dépollution (Cpadd) de Ouidah, la seconde phase de la formation des bénéficiaires du programme africain de bourse sur le contrôle des armes légères et de petit calibre mise en œuvre par le Bureau des affaires de désarmement des Nations unies (Unoda) à travers son Centre régional des Nations unies pour la paix et le désarmement (Unrec). Lancée par le Général Abdoul-Baki Sanni Bachabi, directeur de cabinet du ministre délégué chargé de la Défense, elle dure une semaine et se veut essentiellement pratique.
« C’était tellement enrichissant ! » s’exclame Iriana Minosoa, participante malgache et Colonelle de l’armée. « Nous avons bénéficié des connaissances fondamentales sur les cadres et instruments internationaux qui enrichissent le contrôle des armes de petit calibre et armes légères ».
Dix-neuf (19) boursiers dont sept femmes issues de 16 pays africains qui participent à cette première édition africaine du Programme mondial de formation sur le contrôle des armes légères et de petit calibre encouragé par la résolution 77/71 du 7 décembre 2022. La cohorte, qualifiée de « belle brochette » par Anselme Nahmtante Yabouri, directeur de l’Unrec, comprend des militaires, policiers, douaniers, diplomates, mais aussi « des agents de l’administration publique » en charge des questions de contrôle des armes et de désarmement.
Des sujets davantage sensibles dans le contexte actuel. Les armes légères et de petit calibre, qui sont dans le viseur de l’Onu, circulent, reconnaît le Colonel-major Gabin Chahounka, secrétaire permanent de la Commission nationale de lutte contre la prolifération des armes au Bénin.
« Vous savez, le contexte régional en Afrique de l’Ouest, c’est la porosité des frontières, c’est la difficulté de contrôler les groupes de contrebande et autres. Cette porosité favorise la circulation illicite des armes. Très peu de pays africains disposent d’industries de production d’armes, c’est vrai. Mais il y a un aspect qui échappe souvent au commun des mortels : la fabrication d’armes artisanales. »
En complément de l’étape de deux semaines au Togo, la formation au Cpadd de Ouidah permettra donc « d’améliorer les capacités d’investigation et de contrôle des cas de trafic illicite » d’armes légères et de petits calibres, précise Manuel Martinez, manager du programme.
C’est seulement l’année dernière, en effet, que l’assemblée générale des Nations unies a adopté la résolution créant cette bourse de formation. Elle fait « suite à la demande de plusieurs experts des États membres, notamment les experts africains qui estimaient que face à la montée en puissance de certains groupes armés, notamment les groupes terroristes, qu’il fallait que les Nations Unies prennent des dispositions pour apporter un appui en termes de renforcement des capacités de formation aux experts des États membres pour mieux les outiller », explique Anselme Nahmtante Yabouri, directeur de l’Unrec.
Cette bourse, apprécie-t-il, permettra de combler le vide crucial lié au manque de ressources humaines qualifiées qui portent la voix de l’Afrique dans les négociations multilatérales en matière de contrôle des armées et de désarmement. Car, déplore-il, « malheureusement parfois sur ces questions très pointues de contrôle des armes, de non-prolifération, de désarmement, lorsque les Nations Unies mettent en place des groupes d’espèces, demandent aux États de proposer des experts pour y participer, il n’est pas toujours facile de trouver des Africains qui ont l’expertise nécessaire et que le gouvernement peut mettre à disposition des Nations Unies. »
Désormais outillés, les experts seront capables de « prendre des dispositions au niveau national sur le plan réglementaire et sur le plan procédural mais également de façon pratique pour mieux contrôler les stocks d’armes ». Ces stocks, rappelle-t-il, étant de plus en plus convoités par les groupes terroristes qui « ont tendance, par exemple, à attaquer les camps militaires et les postes de police, de gendarmerie.
Pour « une Afrique capable d’anticiper »
Dans cet ordre, le choix du Capdd de Ouidah n’est pas un hasard. Fonctionnel depuis 2002, il constitue une référence en matière de déminage et dépollution. La formation se veut holistique, liant la théorie à la pratique. Si la première phase au Togo a permis aux boursiers de comprendre les traités et conventions internationales sur les questions de contrôle des armes légères de petit calibre illicites, l’étape du Bénin vise à leur faire toucher du doigt, notamment le marquage, le traçage, l’enregistrement des armes, ainsi que les différents protocoles qui permettent de s’assurer que les armes en possession de la police, de l’armée, de la gendarmerie soient tracées, bien conservées afin d’éviter qu’elles ne soient détournées par les groupes criminels. Des exercices concrets de marquage des armes et même de destruction sont prévus.
Le Général Sanni Bachabi observe justement que le passage de Lomé à Ouidah n’est pas seulement géographique. Il symbolise le passage de la réflexion à la pratique, de la politique à la mise en œuvre, de la stratégie à l’action. »
Ce travail, a-t-il insisté, « trouve un écho particulier » au Bénin, confronté, à l’instar de ses voisins, à la menace sécuritaire posée par les mouvements djihadistes. Cotonou a déjà perdu, entre 2021 et 2024, environ 121 militaires selon une source diplomatique du journal Le Monde. Trois départements du septentrion, Alibori, Atacora et le Borgou, sont les plus touchés avec des déplacements de populations, pertes de champs agricoles et de cheptels. La porosité des frontières aidant, les armes légères « souvent issues de circuits transfrontaliers incontrôlés, alimentent la violence, déstabilisent les communautés et freinent le développement local », reconnaît l’autorité militaire. Sans occulter la réponse énergique du gouvernement de Patrice Talon : renforcement de la présence militaire, surveillance et renforcement de la résilience des populations affectées, notamment.
Il dit enfin compter sur les bénéficiaires en vue de l’avènement d’« une Afrique capable d’anticiper, de prévenir et de gérer les risques liés aux armes légères et de petits calibres ».
« Le Bénin est fier d’être associé à cette initiative et se tient prêt à poursuivre sa coopération avec les Nations unies, l’Union africaine et tous les Etats africains engagés dans cette lutte commune. »
Fierté, c’est également le sentiment d’Aminatou Sar, coordinatrice résidente du système des Nations unies au Bénin. « Je suis fière de voir cette initiative se concrétiser », a-t-elle déclaré. « Ce programme incarne parfaitement, poursuit-elle, le type de coopération que les Nations unies cherchent à promouvoir ». Aux boursiers, « les relations » qu’ils vont tisser « perdureront bien au-delà de ces trois semaines et soutiendront les avancées dans vos institutions et vos communautés. »





