Mgr Barthélemy Adoukonou est décédé le 26 octobre à Cotonou. Lundi 3 octobre s’est tenu à Abomey, l’inhumation du petit-fils du roi Agonglo. La Rédaction de Bénin Intelligent revient, avec Juste Hlannon, sur cette interview inédite tenue avec le prélat en 2018 laquelle revisite, à son écoute, divers concepts théologiques cristallisant ses préoccupations heuristiques.
Propos recueillis par Juste Hlannon
Juste Hlannon : Mgr Barthélemy Adoukonou, vous êtes une référence en Afrique en ce qui concerne les réponses théologiques à l’appel du Pape Paul VI à Kampala (Ouganda) où il affirmait, en 1969, la nécessité pour les Africains « d’inventer un christianisme africain ». L’une des implications de cet appel est l’inculturation, concept que vous avez exploré sous divers angles. Comment le définissez-vous, en effet ?
Mgr Barthélemy Adoukonou : Avant tout propos, je précise que j’ai commencé à réfléchir sur le concept d’inculturation alors que j’avais 16 ans, 17 ans ; j’étais en classe de seconde au Petit Séminaire Sainte Jeanne d’Arc de Ouidah. En ma qualité de doyen des séminaristes d’Abomey et de Bohicon, j’avais initié vacances 1958-1959 un « camp mission » à Cana (définie par le Larousse comme la ville sainte du Dahomey). Deux à deux, on allait alors dans des couvents pour annoncer Jésus-Christ et inversement, entendre des prêtres de Vodun nous parler de leurs Vodun, leurs histoires et modes de fonctionnement respectifs.
Plus tard, devenu prêtre, j’ai commencé à m’investir davantage dans ce domaine de recherche. Mon option, en référence à Paul VI (Evangeli Nutiandi no 19) sera alors de faire l’inculturation à partir du sujet culturel. La Croix du Christ doit rencontrer tout le système de pensée de l’homme Noir et c’est à partir de là que, d’une certaine façon, le sujet culturel africain doit faire sa pâques. L’inculturation, c’est alors cette œuvre de transformation évangélisant le sujet ecclésial de l’intérieur et qui l’amène à une rencontre avec la Croix du Christ, lui qui réorganise tout le mental, toute la culture à son point de départ qu’est la personne pensante et agissante.
Du concept « inculturation » au concept « interculturalité » que l’on doit au Pape Benoît VI, il y a eu un chemin. Quelles différences sémantiques ?
Il y a une différence entre les deux termes même si dans le fond, ils se complètent. L’inculturation c’est la venue du Verbe de Dieu qui va s’incarner dans notre humanité, dans notre culture, dans notre identité intrinsèque.
« L’inculturation, c’est alors cette œuvre de transformation évangélisant le sujet ecclésial de l’intérieur et qui l’amène à une rencontre avec la Croix du Christ, lui qui réorganise tout le mental, toute la culture à son point de départ qu’est la personne pensante et agissante.»
Mgr Barthélemy Adoukonou
L’interculturalité quant à elle, suppose un retour de chaque église à sa particularité culturelle, l’universel ne pouvant en principe être que dans la particularité. C’est le Verbe incarné passant d’une culture à une autre.
Quels appels lancez-vous en outre, vous qui êtes théologien africain en vue de l’investissement des chercheurs, les théologiens en l’occurrence en ce qui concerne l’inculturation/interculturalité aujourd’hui en Afrique ?
Je pense que la tâche d’inculturation, nous devons la prendre au sérieux. Il est absolument important que tous les théologiens évaluent le contenu de la formation dans nos grands séminaires, en l’occurrence ce qui touche à la sacramentaire pour l’enrichir et l’approfondir afin que nous ne passions du syncrétisme de fait qui prévaut déjà en Afrique à un syncrétisme juridique.
Revenu au Bénin, vous avez lancé récemment le projet de création de l’Issr-Ndi. À quels besoins répond, en effet, cet Institut et qu’est-ce qui s’y fait de façon concrète?
Cet Institut intervient pour remettre en cause ce qui est fait jusque-là en ce qui concerne la formation des agents pastoraux. Elle propose alors une « ratio formationis », qui ambitionne de restructurer les formations existant en la matière, en prenant appui sur des traités-clefs, la sacramentaire, le mystère christologique etc. L’Institut supérieur de sciences religieuses – Notre Dame de l’Inculturation (Issr-Ndi forme pour l’heure en théologie pratique et éthique sociale précisément en inculturation anthropologique et théologique. Nous y invitons tous ceux qui souhaitent approfondir la foi en Jésus-Christ, le Verbe divin et s’engager pour l’évangélisation de la culture par la conversion en profondeur du cœur.
