Le gouvernement prévoit de réhabiliter cinq palais, ceux des rois Ghézo, Glèlè, Gbêhanzin, Agoli-Agbo et Akaba (et reine Hangbé) dans le cadre du projet de valorisation du site palatial d’Abomey. Dans la cité historique, cette liste fâche : des Daa estiment que la non prise en compte de Hwegbaja -père fondateur du royaume- dans un tel projet, relève d’une exclusion grave.
Par Sêmèvo Bonaventure AGBON, depuis Abomey
La colère était palpable chez les quatre membres de la lignée princière de Hwegbaja qui nous ont conduits, samedi 15 avril à la cité mausolée du fondateur. « C’est ici le cœur du Danxomè, c’est ici que tout le monde vient se prosterner », introduit Daa Djissa Nougbo. « Comment peut-on établir une liste de palais à réhabiliter sans inclure cet endroit ? La réhabilitation doit commencer par ici», insiste-il.
Pour étayer leur exigence, les descendants en courroux indexent tantôt les entrées décoiffées des mausolées de Hwegbaja et de son fils Agadja –celui-ci a souhaité être inhumé près de son père à sa mort selon l’histoire. L’insalubrité, la broussaille et les excréments de bœufs qui jonchent l’espace n’échappent pas aussi à leurs critiques.
« Rien ne peut prospérer au Danxomè si la maison de notre père végète ainsi dans l’oubli, dans le délabrement. On doit commencer par ici. Le site n’est pas sécurisé, il n’a pas de portail. On laisse le père fondateur et on veut réhabiliter les fils successeurs », enfonce Daa Alodokponougan, chef de file des protestataires.
Ce dernier fait d’ailleurs observer que les successeurs habitent désormais au palais de Glèlè à Singbodji « au détriment de celui de Hwegbaja ». Cet « abandon», ajouté à l’absence du mausolée du fondateur sur la liste des sites à réhabiliter, est la goutte d’eau qui fait déborder le vase chez lui. Puisque, la tête couronnée en déduit que « Hwegbaja n’est plus objet d’attention de nos jours ».
-« Qu’un projet de réhabilitation de palais cible les autres rois et exclut Hwegbaja, cela fâche sérieusement nous les descendants d’Agassu, de Hwegbaja et nous protestons contre »-
Les autorités locales ont-elles été associées à la confection de la liste ? Les descendants préfèrent ne pas y croire. « Où étaient nos maire, préfet et chef d’arrondissement pour qu’une telle gaffe soit passée ? », interroge Daa Alodokponougan. « Qu’un projet de réhabilitation de palais cible les autres rois et exclut Hwegbaja, cela fâche sérieusement nous les descendants d’Agassu, de Hwegbaja et nous protestons contre », avoue-t-il.
Projet Abomey
Les intéressés soulignent tout de même n’avoir rien contre le projet de réhabilitation du site palatial classé patrimoine mondial de l’Unesco. Ils exhortent à une « cohérence » vis-à-vis de l’histoire.
« Le Chef de l’État n’a pas péché en voulant réhabiliter nos palais. Mais on doit lui fournir de bonnes informations. Hwegbaja devrait être premier sur la liste des sites retenus », persiste Daa Alodokponougan.
Dans le cadre de sa politique muséale et touristique, le gouvernement a, en effet, initié le ‘’projet Abomey’’, dont l’objectif est de « promouvoir un tourisme national et international autour de l’histoire des Amazones, des rois d’Abomey et du royaume du Danxomè ».
Le projet s’articule autour de la construction du Musée des rois et des amazones du Danxomè (MuRAD), un lieu aux standards internationaux destiné à accueillir les collections représentatives de l’histoire du royaume du Danxomè ; la réhabilitation du tissu existant des palais royaux d’Abomey ; et l’aménagement d’une promenade patrimoniale. Il intègre, en outre une composante « renforcement des capacités techniques des ressources humaines ».
D’un coût d’environ 30 milliards Fcfa, le projet Abomey est soutenu par l’Agence française de développement (Afd) qui apporte 23 milliards Fcfa sous forme de prêt et don. Le budget national y contribue à hauteur de 7 milliards Fcfa. Le projet prévoit aussi une promenade patrimoniale sur l’intégralité du site palatial vaste de 47hectares.
« La gouvernance de Patrice Talon ne discrimine pas. Pourquoi entre nous ici, nous nous discriminons ? Je suis ému aux larmes face au traitement qui est fait à la mémoire de notre père Hwegbaja. Il ne le mérite pas », appuie Agbohessou Alexis.
Après la visite de la cité mausolée, les quatre descendants nous conduisent chez Agbohessou Mixalòdó Hwegbaja. Il est le ‘’Assiata’’ de la lignée Hwegbaja.
‘’Assiata’’, c’est « le chef d’une lignée princière. La dynastie de Hwegbaja est composée de lignées princières, c’est-à-dire chacune des branches fondées par les personnes qui ont occupé le trône, y compris donc Dada Adandozan…», explique l’historien Jérôme Alladayè.
« L’état des mausolées de Hwegbaja et d’Agaja laisse à désirer. Ce n’est pas bien. Que là où il repose, où on exécute divers sacrifices végète dans l’abandon, ce n’est pas bien. Il faut que les conseillers du chef de l’Etat le lui notifient », soutient Agbohessou Mixalòdó Hwegbaja.
Il teinte ensuite ses propos de reconnaissance : « Je remercie le président Talon. Il fait mieux que tous ses prédécesseurs. Pour le reste, il suffit que les autorités à divers niveaux l’accompagnent dans l’honnêteté, la sincérité ».
« Hwegbaja n’est pas oublié »
Si « Les Daa peuvent avoir des souhaits », réagi Jérôme Alladayè, ils « ne peuvent rien imposer au gouvernement de la République dans son programme d’action culturel ! », tranche l’historien, membre de la lignée Hwegbaja qui se veut « citoyen réaliste ».
La réaction des Daa en colère illustre plutôt un défaut d’informations, réagit Alain Godonou, joint au téléphone dimanche. Le directeur du Programme Musées à l’Agence nationale de développement des patrimoines touristiques (Anpt), maître d’ouvrage du projet, relève que « Les Daa en colère sont focalisés sur la dynastie, la succession, ils ne voient pas l’opération touristique qu’il y a derrière ».
-«Les Daa en colère sont focalisés sur la dynastie, la succession, ils ne voient pas l’opération touristique qu’il y a derrière »-
Alain Godonou rejette la thèse d’exclusion. « Hwegbaja n’est pas oublié », a-t-il juré. En effet, explique-t-il, « L’idée c’est de commencer par le noyau qui est autour de la cour des Amazones». Et « Progressivement c’est l’ensemble qui est considéré…Aucun des palais n’est oublié. Le projet prend en compte les 45ha », apaise-t-il.
——————————*———————————-
Alain Godonou : « Il y a une programmation pour l’ensemble y compris Hwegbaja »
Il faut commencer quelque part. L’idée c’est de commencer par le noyau qui est autour de la cour des Amazones où il y aura le musée. Donc on implante le musée sur la cour des Amazones entre le palais de Gbêhanzin et le palais de Glèlè.
Donc on commence la réhabilitation des 47ha. Ça ne signifie pas que le reste est abandonné. C’est le début. Aucun des palais n’est oublié. Le projet prend en compte les 47ha.
On comprend la logique historique selon laquelle Hwegbaja est le père fondateur. Mais la logique de visite, quand on voit le musée il faut que tout autour soit aménagé. Et puis progressivement on prend l’ensemble. C’est ça la logique, la méthode. Je comprends les Daa qui disent qu’il faudrait commencer par Hwegbaja, parce que c’est le fondateur.
Mais dans notre économie culturelle ça ne nous rapportera pas grand-chose, excusez-moi ! Si le musée était à côté de Hwegbaja on commencerait par là tout de suite. Mais il n’y a pas de place à côté de Hwegbaja pour qu’on mette le musée là. Donc on a mis le musée quelque part et on commence les aménagements par ce qui est tout autour. Progressivement c’est l’ensemble qui est considéré. Hwegbaja n’est pas oublié.
Les Daa en colère sont focalisés sur la dynastie, la succession, ils ne voient pas l’opération touristique qu’il y a derrière : le musée que les gens vont visiter, à leur sortie il faut que tout ce qu’il y a autour soit amé
nagé avec. On prend en compte l’ensemble. Il y a une programmation pour l’ensemble y compris Hwegbaja. »
Propos recueillis par Sêmèvo B. AGBON
Des descendants de Hwegbaja crient à l’exclusion de leur père
Des excréments de bœufs
