Dans le cadre de la vulgarisation de la loi 2025-09 du 3 avril 2025 portant cadre juridique de la chefferie traditionnelle en République du Bénin, le porte-parole du gouvernement a initié avec le ministre du Tourisme, de la culture et des arts, une séance d’échange avec les médias. La rencontre a permis aux membres du gouvernement de lever un coin de voile sur les différentes étapes ayant abouti à l’adoption de la loi ainsi que les motivations du chef de l’Etat en l’initiant.
Dès sa promulgation, des voix dissidentes se sont levées pour protester contre l’omission d’un royaume ou d’un autre dans le nouveau cadrage prévu par la loi sur la chefferie traditionnelle. Cette dernière reconnait en effet 16 royaumes au Bénin. Elle prend en compte les royaumes reconnus comme tel à la fin de la période précoloniale. Les dates 1894 dans la partie méridionale du pays et 1897 dans la partie septentrionale servant de bornes. Les deux dates correspondent en effet, au moment où le colon a conquis les territoires dans les 2 aires.
Cette loi est le fruit d’un travail scientifique de la commission technique commise à cet effet. Son président, le professeur Bienvenu Akoha explique le choix de ces dates. A son arrivée, le colon a nommé des administrateurs pour gérer les communautés locales et lui faire le point. Il s’agissait des « chefs cantons ». Ces derniers s’identifiaient comme ‘‘roi’’ auprès des populations, ce qui n’était pas le cas. Puisque par décret, le même colon les avait démis de leurs fonctions, rappelle Prof. Akoha.
Ce sont les descendants de ceux-là qui dans certaines contrées du pays, se prévalent encore du titre de ‘‘roi’’, explique-t-il. De plus, « l’administration cantonale n’est pas une administration de type traditionnel », observe le professeur. Ainsi, « tous ceux qui se sont autoproclamés roi après 1894 pour le sud et 1897 pour le nord, nous ne les avons pas comptabilisés comme roi », conclue le président de la commission.
« Nous sommes dans une République »
Cette conclusion renforce les interrogations de beaucoup. Ils se demandaient en effet quel serait le sort des ‘‘royaumes’’ d’après colonisation. En l’occurrence ceux qui ne figurent pas dans la liste officielle. A cela, Jean-Michel Abimbola répond : « Nous ne découronnons personne ».
« Si la loi ne vous reconnait pas comme royaume, ni chefferie supérieure, ni chefferie coutumière, alors vous êtes ipso facto dans la chefferie communautaire », clarifie le ministre du Tourisme, de la culture et les arts.
L’autre point de désaccord au sujet de la loi, c’est la question des sanctions. Elles sont prévues contre un roi qui violerait les textes de la République. La sanction ultime prévoit le retrait de la « reconnaissance de l’Etat ». N’est-ce pas là une manière de destituer un roi ?
Jean-Michel Abimbola n’est pas de cet avis puisque, le cas échéant, la reconnaissance est retirée « au roi, pas au royaume ». De plus, il estime que le royaume en question pourra, ou « le laisser comme ça », ou constater et en tirer les conséquences « pour désigner le roi suivant ». Il soutient tout compte fait, que « les sanctions sont nécessaires ». Puisque « nous sommes dans une République ». Et de ce fait, nul ne devrait être au-dessus des lois, ni de la société.
« C’est parce que nous estimons qu’ils sont détenteurs d’un patrimoine immatériel et qu’ils ont un rôle à jouer dans cette valorisation de notre patrimoine, de notre histoire, de notre culture ».
Jean-Michel Abimbola écarte ainsi toute autre considération qui irait à l’encontre des dispositions de cette loi. Puisque dans son élaboration, « l’approche [n’a été] ni sociale, ni politique. C’est une approche scientifique, purement scientifique, seulement scientifique », a-t-il insisté.
Constitutionnalisation de la chefferie traditionnelle
L’adoption de la loi 2025-09, ajoutée aux diverses initiatives touristiques, artistiques et culturelles, montrent que « la révolution culturelle béninoise est en marche », salue Jean-Michel Abimbola. La loi offre ainsi à la chefferie traditionnelle, la possibilité de « jouer désormais le rôle qui est le sien dans l’édification d’un Bénin nouveau qui s’appuie sur son patrimoine pour aller à la rencontre des défis contemporains ».
Elle reconnait 16 royaumes au titre des entités centralisées (art. 5), 80 chefferies supérieures en ce qui concerne les entités moyennement centralisées, indépendantes ou non, (art. 6) et 10 chefferies coutumières en référence aux entités acéphales (art. 7). Quant aux chefferies communautaires indiquées à l’article 8, elles désignent toute organisation sociale traditionnelle non répertoriées dans les 3 catégories citées dans les articles 5, 6 et 7.
Le ministre Jean-Michel Abimbola invite toutes les couches de la population à lire et s’approprier ce texte de loi « dans une approche objective ».
Il les exhorte à y voir « la volonté du gouvernement d’accorder l’intérêt requis à toutes les communautés sans exclusions pour ce qu’elles ont été, pour ce qu’elles sont aujourd’hui, et pour ce qu’elles sont amenées à être demain dans notre communauté nationale ».
Puis de conclure : « aucune trace de notre histoire commune ne saurait entrer dans l’oubli, aucune tradition ancestrale ne sera négligée dans ce qu’elle a d’important à apporter à la nation ».
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