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Cadre de concertation des confessions religieuses : Querelle autour de l’expression « les Mânes des ancêtres »

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
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Nouvelle tempête au sein du Cadre de concertation des confessions religieuses (Cccr) : les représentants du culte Vodun dénoncent un mépris récurrent et brandissent la menace d’un retrait. Au centre de la discorde, cette fois-ci, une formule : sacrée pour les uns, banale pour les autres — « les Mânes des ancêtres ».

Du 2 au 4 septembre, le Cadre a organisé un séminaire atelier consacré au « rôle des confessions religieuses pour des élections apaisées en 2026 ». Sept communications ont nourri la rencontre. Entre autres sujets développés, « confessions religieuses et culture de la paix (par Dr Rahim Chitou), «enjeux des élections de 2026 : défis et perspectives (par Adam Soulé), « fichier électoral et ses implications pour les élections générales de 2026 (par Aristide Adjinacou), « dialogue interreligieux pour la coproduction de la paix » (par le professeur Dodji Amousouvi), « leaders religieux en tant qu’observateurs (par Joël Atayi Guèdègbé) et, enfin, « code électoral et ses implications pour 2026 » (par le président de la Commission des lois, le député Orden Aladatin)

Mais le rapport général du séminaire n’a pas fait consensus. Face à la seule mention de « Dieu », Hunnon Behumbeza, le premier, soulève l’omission de l’expression ”les Mânes de nos ancêtres” et demande son ajout. Il s’agit d’une formule consacrée qui figure dans le serment constitutionnel que prononce le président de la République avant son entrée en fonction.

Mais la réponse du pasteur Michel Alokpo, secrétaire général et porte-parole du Cadre, membre du présidium ce jour là, rapportée notamment par Dah Gbèdiga, a jeté de l’huile sur le feu : il aurait refusé, arguant qu’« aucun chrétien dans la salle ne saurait prononcer l’expression “les Mânes de nos ancêtres” ».

La mention des ”Mânes” est une reconnaissance officielle de la pluralité des croyances et de l’ancrage culturel du Bénin. Son omission est alors perçu comme un acte d’exclusion et un déni de la légitimité du Vodun, pilier spirituel et culturel.

Menace de sortie

« La patience a des limites », prévient dit Dah Gbèdiga. « Si on ne maintient pas l’expression “les Mânes des ancêtres”, nous allons nous retirer du Cadre. »

Dah Balogoun nourrit la même colère. L’ex-premier vice-président du Cadre, a pris la présidence du CCCR après la démission de l’imam Assifatou Ali Mohamed et de l’Union islamique du Bénin le 9 septembre 2024. Il enfonce le clou et dénonce avec véhémence la méthode et le fond : « On a refusé de prononcer cette expression… Or, si le cadre tient encore aujourd’hui, c’est grâce au Conseil national du culte Vodun du Bénin (CncvB » Il accuse le secrétaire général de s’imposer à tous et de prendre des positions hasardeuses sans mandat. « Nous ne sommes pas d’accord avec la manière dont le cadre de concertation marginalise le monde du Vodun », lance-t-il.

Contacté plus tard par Bénin Intelligent, le pasteur Michel Alokpo a été très bref. « Moi je n’ai pas d’avis. Le comité de suivi va se réunir bientôt », nous a-t-il répondu par le canal WhatsApp.

Un écho historique

Cette querelle linguistique n’est pas nouvelle. Elle rappelle l’épisode historique sous la présidence du Général Mathieu Kérékou. Le 6 avril 1996, au nom de sa foi chrétienne, ce dernier n’avait pas prononcé le groupe de mots “ Les mânes des ancêtres”.

La Cour constitutionnelle avait alors jugé le serment non conforme à la Constitution, par décision DCC 96-17 du 5 avril 1996. La Cour jugeait qu’il s’agit d’une ”formule sacramentelle indivisible”. Par conséquent, elle ”ne saurait donc subir une quelconque modification et doit être prononcée dans son intégralité”.

Près de trente ans après, ce même débat refait surface non pas devant les juges, mais autour de la table du dialogue. Une résurgence symptomatique d’une lutte plus large pour la reconnaissance et le respect égal des spiritualités au Bénin.

Pour la communauté du Vodun, habituée à dénoncer une stigmatisation persistante, ce refus équivaut à une négation pure et simple de leur religion. Les “Mânes des ancêtres”, une question de dignité pour le Vodun ?

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