Vers un Vodun du 21e siècle nettoyé des pratiques controversées ? Oui. Dans le cadre de ses missions, le Comité des Rites Vodun du Bénin a organisé à Grand Popo, samedi 11 et dimanche 12 octobre, la première phase d’un atelier national de labellisation des rites et pratiques du Vodun. Il a réuni une soixantaine de dignitaires dépêchés par les associations faîtières.
Quelle image le Vodun dégage-t-il aujourd’hui dans son ensemble ? La question est sensible, et les constats, désarmants. Mahougnon Kakpo, président du Comité des rites Vodun du Bénin a, lui, le courage d’y répondre. Sans mettre des gants. Il fait l’état des lieux d’un temple souillé, parfois en déphasage avec les réalités sociale, sanitaire et écologique actuelles. Dans le Vodun, dit-il en langue fon, devant une assistance conquise,
« les pratiques ne sont pas, d’une part, harmonisées à tous les niveaux, mais d’autre part, certaines pratiques ne sont plus en réalité au goût du jour, surtout en tenant compte de l’évolution de la vie »
Des pratiques rétrogrades, il en a relevées une kyrielle que la plupart des dignitaires ont reconnu et renchéri. Il s’agit entre autres des constats liés à l’esthétique/hygiène dans le Vodun qui laisse à désirer, l’exposition du sang issu de l’immolation, le dépôt des ”Vô” ou sacrifices sur les carrefours, ou aux abords des voies publiques (pollution esthétique), la question du mélange des rites Vodun avec d’autres traditions religieuses, les risques liés à certaines pratiques, comme la scarification (atin jija) avec l’utilisation d’une lame unique sur plusieurs personnes (source possible de maladie), l’usage d’un même verre par plusieurs personnes, l’exposition des seins chez certaines fidèles.
Selon Mahougnon Kakpo, « certaines traditions dans le Vodun ont découragé des dignitaires eux-mêmes d’y initier leurs propres enfants ». Par conséquent, « Nous devons collectivement revoir nos façons de faire » conclut le professeur titulaire de littérature africaine et poète du Fa.
Labelliser ou disparaître
L’atelier de labellisation vient donc à point nommé. Entre débats et travaux en commission, il s’agit d’examiner et valider les rites, pratiques, signes distinctifs et architectures du Vodun et examiner et valider les processus ainsi que la stratégie de labellisation. Les discussions s’intéressent également à l’architecture type du couvent du Vodun. À l’issue des travaux, même les Vodun spécifiques auront désormais une architecture type pour leur couvent.
À cet effet, en plus d’informer les acteurs concernés sur l’importance et les enjeux d’une nécessaire évolution positive du Vodun, l’atelier a servi à identifier les pratiques, rites et rituels du Vodun susceptibles d’être labélisés. La phase de Grand Popo a drainé les dignitaires de huit départements du sud et du centre du Bénin. Ils proviennent des associations telles que : le Conaceb, le Cncvb ou encore la Fercab.
L’atelier de labellisation s’inscrit dans la politique gouvernementale ”Bénin Révélé” qui vise à positionner le Bénin comme destination phare du tourisme culturel et religieux autour du Vodun. La seconde phase de cet atelier est dédiée aux quatre départements du septentrion que sont le Borgou, Alibori, Atacora et la Donga. Il s’agit d’une mission républicaine qui engage non seulement la préservation culturelle mais aussi la réputation et la dignité de toute la nation béninoise.
« Toutes les religions évoluent, se transforment, se modifient, se mettent au goût du jour. Le Vodun aussi doit changer (…) Quand on dénigre le Vodun, quand on traite systématiquement le Béninois de sorcier, c’est toute la République qui est meurtrie », soutient le professeur titulaire de sociologie religieuse, Dodji Amouzouvi, membre du Comité des rites Vodun, par ailleurs auteur du dialogue “Le Vodun présenté à ma fille’‘.
Le “Comité des rites Vodun” a pour mission de contribuer au développement du tourisme religieux autour du Vodun. Il a été créé par décret n°2023-467 du 13 septembre 2023 signé du chef de l’État, Patrice Talon. Dirigé par le professeur Mahougnon Kakpo, il est chargé de contribuer à la labellisation des rites, cérémonies et pratiques des couvents du Vodun dans le cadre de leur mise en tourisme.
À cet effet, le comité appuie tous les travaux liés à la mise en tourisme du patrimoine cultuel Vodun; apporter un appui-conseil à la labellisation des produits touristiques liés au Vodun; apporter des avis sur les programmes d’aménagement et d’exploitation du projet “Route des couvents Vodun”; et enfin, formuler des recommandations en vue de mettre en valeur les savoirs, les arts et les dimensions expressives qu’incarne le Vodun.
Dénaturer ?
La démarche de labellisation s’inscrit en outre dans une stratégie nationale plus large, incluant des projets structurants comme la “Route des Couvents Vodun” et la construction du Musée International du Vodun à Porto-Novo, visant explicitement à faire du Bénin la “Mecque du Vodun”.
Dans leurs interventions, plusieurs dignitaires ont relevé d’autres maux qui ternissent la réputation du Vodun et ont appelé à plus de rigueur voire à l’intervention de la justice ou de l’État. Dans la même veine, Bokonon Azehoungédé a plaidé la décentralisation jusqu’à la base du Comité des rites Vodun.
Sur les réseaux sociaux numériques, la nouvelle de l’atelier de labellisation fait grand bruit. « Les constats faits sont réels. Il faut travailler à les polir pour rendre le Vodun plus attractif pour ceux qui voudraient embrasser cette religion », soutient avec conviction Corneille Gbaguidi, qui salue une initiative nécessaire à la modernisation de la religion.
Mais à l’opposé, une voix sceptique s’élève, celle du conservateur A. Marouf, pour qui cette démarche est une menace pour l’authenticité de la tradition. « Je pense que laisser les choses telles qu’elles sont, c’est ça même qui fait ce qu’on appelle la culture. Venir aujourd’hui modifier les choses, c’est créer déjà un déséquilibre », met-il en garde.
