L’École d’Été d’Écriture et de Journalisme (EEEJ Sénior 2025) s’est achevée samedi 9 août à Cotonou. Organisée par la Fondation Vallet et l’Ong Bénin Excellence, elle a réuni quinze jeunes venus de sept pays africains pour deux semaines d’intense aventure humaine et intellectuelle. Les travaux menés sous la direction d’une équipe d’encadrement composée de professionnels Béninois et Européens, ont porté sur le thème “Mémoire(s) et miroir”.
« Nous avons vécu en deux semaines l’Afrique, en son âme hospitalière, son passé discutable et ses défis contemporains. Nous avons aussi rencontré l’Europe à travers Yaëlle, Ruby, Thomas, Maroua, Angeline. Non pas l’Europe de l’histoire, mais cette Europe des peuples, humaine, fraternelle, et préoccupée elle aussi par la refondation des rapports avec l’Afrique. » a déclaré Hailey Andriafanomezana, malgache, porte-parole de la promotion.
Sélectionnés sur dossier, les participants ont représenté le Togo, Madagascar, Tchad, Burkina Faso, Sénégal, Cameroun et le Bénin. Leur séjour a été ponctué de panels de discussion, de visites à Ouidah et Abomey, ainsi que d’ateliers de rédaction et de relecture. En plus des attestations de participation, quatre prix ont couronné les meilleurs travaux :
Grand Prix EEEJ 2025 : Sêmèvo Bonaventure Agbon, journaliste spécialiste Culture et Religion. Prix de l’Étoile montante : Edouard Hountondji, journaliste en formation à l’Enstic-UAC. Prix du Roseau : Yasmine Hassan Ahmat Djefil, hydrologue venue du Tchad. Prix de la meilleure plume : Mamadou Ly, Sénégal.
« Je suis simplement débordé d’émotions, j’avoue que je ne m’y attendais pas », a confié le lauréat du Grand Prix, Sêmèvo Bonaventure Agbon. Son article, intitulé « E-réputation du Vodun ou la guerre symbolique 2.0 », s’appuie sur les paroles d’experts, de dignitaires et sur de simples commentaires en ligne pour analyser la violence symbolique et épistémologique qui frappe le Vodun sur les réseaux sociaux numériques, notamment Tiktok.
« J’ai aussi exploré les pistes d’une souveraineté narrative : comment raconter nous-mêmes le Vodun, sans filtre ni caricature ? Mon objectif n’est pas de prêcher, mais de questionner : comment protéger notre mémoire et notre identité face au risque de dilution dans l’universel ? Et comment faire du Vodun un atout dans la promotion de la Destination Bénin ? »
Sêmèvo Bonaventure Agbon
Pour Mamadou Elhadj Ly, lauréat de la meilleure plume et étudiant au Cesti du Sénégal, la rigueur de l’organisation a été un moteur. « Je ne dormais pas la nuit. Je travaillais. La journée aussi, c’était intense. Mais c’est un plaisir et un honneur de représenter mon école. »
Le président de la Fondation Vallet, Dr Espéran Padonou, a salué l’esprit de l’EEEJ Sénior 2025 qui a porté sur le thème ”Mémoire(s) et miroir”.
« Nous avons beaucoup parlé de mémoire par rapport à l’histoire de l’Afrique, en lien avec l’esclavage et la colonisation. Mémoires, miroir… j’y ajouterais savoir. L’article d’un des participants à montré que dans notre programme scolaire, la part consacrée à la connaissance de notre propre histoire a beaucoup diminué, et il faut y remédier. Mais il est aussi important de connaître l’histoire de l’autre : c’est à travers elle qu’on peut échanger et co-construire des choses ensemble. »
Dr Espéran Padonou
”La Palabre”
La Française Yaëlle Perrin, membre de l’équipe pédagogique, repart pleinement satisfaite de cette édition. De la conception du programme à l’étude des dossiers, en passant par les entretiens et les séances de relecture, elle en a été l’une des figures centrales. Elle garde surtout en mémoire l’attitude des participants, leur ouverture d’esprit et l’ambiance conviviale qui a marqué ces deux semaines.
L’une des innovations marquantes du programme de l’EEEJ Sénior, c’est la publication des articles des participants dans une revue spéciale intitulée ”La Palabre”. Chaque texte y est accompagné d’illustrations signées par des « dessinateurs-maison », offrant ainsi un écrin visuel aux productions. Une initiative qui contribue d’ailleurs à raviver un art en voie de disparition dans la presse béninoise : le dessin de presse.
Quelques titres phares à lire dans la revue ”La Palabre”, édition 2025 :
1- E-réputation du Vodun ou la guerre symbolique 2.0.
Par Sêmèvo Bonaventure AGBON, Bénin
2- Prénoms d’hier, enfants d’aujourd’hui : À Cotonou, les racines parlent à l’avenir.
Par Emmanuel Loconon, Bénin.
3- La dot : Vecteur identitaire ou l’art de vendre les femmes.
Par Eunice Noutchaya, Cameroun.
4- Long parcours scolaire, piètre culture historique. La jeunesse béninoise en quête de son histoire.
Par Ignace Kiendrebeogo, Burkina Faso.
5- Fon et Yoruba à l’école : Obstacles ou levier pédagogique. Préservation des langues, un devoir de mémoire pour l’école.
Par Edouard Hountondji, Bénin.
6- Pratique du Fa et quête de sens des jeunes béninois : L’usage parfois détourné d’un outil ancestral.
Par Léandre Houan, Bénin.
7- Tassi Hangbé : La souveraine qui refuse l’oubli.
Par Michaël Agbocame, Bénin.
8- Le patrimoine togolais : le levier oublié du numérique.
Par Solim Tchangai, Togo
9- Pagne. Derrière chaque nœud, une histoire : le miroir vivant de la féminité africaine.
Par Happy Victoria Orounla, Bénin.
10- Masques sénégalais : Reflets d’âmes, objets de convoitises.
Par Mamadou Elhadj Ly, Sénégal.
11-La parenté à plaisanterie, une coutume à revaloriser : Un héritage traditionnel qui traverse les âges.
Par Zeinab Sanou, Burkina Faso.
12- La mémoire de Mai 72 à Madagascar. Étudiants d’Ankatso : de révolutionnaires à promoteurs de l’ordre établi ?
Par Hailey Andriafanomezana, Madagascar
13- Les eaux perdues des ancêtres : entre mémoire sacrée, écologie, et luttes silencieuses des femmes au Sahel.
Par Yasmine Zara, Tchad.
14- Les arts de la plasticité contemporaine : image de soi dans la réinvention de l’Afrique post-coloniale
Par Yao Serge Folly, Togo.
15- Mémoire des femmes de Nder. À l’école des ”Linguères”, une transmission en quête de repères
Par Tafsir Khaly Sarr, Sénégal.
Les réflexions cette année ont mobilisé d’éminentes personnalités pluridisciplinaires. Il s’agit entre autres de :
Wenceslas Mahoussi, enseignant chercheur en InfoCom, Prudentienne, libraire, Georges Amlon, ancien DG de l’Ortb, professeur Adrien Huannou et Dr Fernand Nouwligbèto,Coline-Lee, chargée de mission du président de la République, Dieudonné Gnammakou, historien, Dr Blandine Agbaka & Zakiath Bonou-Gbo, linguiste, Patrick Effiboley, historien, Maroua Daoudy, auteure marocaine, Angelo Dan, ambassadeur et auteur d’ouvrage sur la restitution des biens culturels, Rodrigue Atchahoue, éditeur, Abdoulaye Benon Monra, sociologue et Sinatou Saka, chargée de mission du chef de l’État.
Qu’est-ce l’EEEJ ?
La première édition du programme EEEJ s’est tenue en 2023 sous le thème « Décrire les lieux, écrire les mondes », puis en 2024 autour de « Panser l’humain, penser demain ». L’EEEJ est une initiative de la Fondation Vallet, sous l’égide de la Fondation de France, visant à penser et expérimenter les écritures littéraires et journalistiques. Il se veut une opportunité pour les jeunes d’Afrique francophone désireux de se lancer dans les métiers de l’écriture et/ou du journalisme, et pour des professionnels en quête d’une formation complémentaire ou d’une reconversion professionnelle. A travers des discussions théoriques et critiques ainsi que des travaux pratiques, l’EEEJ permet aux participants de croiser les champs de disciplines telles que l’histoire, les sciences politiques, la philosophie, la littérature, la géographie, le droit, la santé et d’appréhender différents types de textes littéraires et journalistiques.
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