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Arts : L’univers merveilleux de Sébastien Boko et Louis Oké Agbo (fin)

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
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Louis Oké Agbo, artiste photographe : « Je fais une médiation avec la photographie »*

Sébastien Boko est artiste plasticien. Louis Oké Agbo, lui est artiste photographe. Les deux sont au cœur d’un . Louis Oké Agbo fait de l’art-thérapie. Les sujets sur ses tableaux (souvent des personnes victimes de troubles mentales) ont en partage d’être rejetés dans la rue. L’artiste leur donne de l’importance en les prenant non seulement en photo mais aussi en les initiant à son art. Ce qui participe à leur guérison. De son côté, Sébastien Boko sculpte le bois et tord le métal. Sa « Série Amazones » rend hommage à la femme. Le corps sculpté dans du bois renvoie à son être naturel, et les vêtements/parures en métal illustrent ses qualités de bravoure, vaillance. Entretien avec ces deux ambassadeurs du Bénin à l’international.  

 Propos recueillis par Sêmèvo Bonaventure AGBON

 

Bénin Intelligent : Votre concept de la photographie thérapeutique, expliquez-nous la démarche.

 

Louis Oké Agbo, artiste photographe : Ma démarche contribue à révéler davantage le lien étroit, l’unicité entre l’Homme et la terre. Tout est en un. C’est pourquoi au Bénin les éléments naturels sont divinisés au fait. L’idée est partie de là. Alors je me suis demandé comment traiter cette information. Donc je prends le corps humain et le corps de la terre et je les mets ensemble.

Résultat, le corps prend corps. C’est là que je vois le dégât que nous créons dans notre environnement. Comme l’environnement est mieux pensé au Bénin, et nous avons des adeptes de Sakpata, les Dansi, les Hebiosso et les MamiWata…l’Homme même rentre dans le jeu et devient adepte pour vénérer ces éléments. Ces éléments constituent la composition de l’être humain. Je vois que si ces éléments sont bien pensés, pourquoi ne pas prendre soin de l’être humain, alors que l’être humain est au centre de tout ? D’où la question des enfants de rue.

 

Voulez-vous dire que le phénomène des enfants de rue révèle une hypocrisie là où nous vénérons la terre, l’eau, l’air… ?

 

Absolument ! C’est pourquoi j’exhorte à ce que nous nous superposions à ces éléments pour pouvoir nous soigner. D’où j’utilise mon travail pour soigner les personnes abandonnées dans les rues. Je mets mon art au service de ces personnes. J’ai des résultats aujourd’hui. En donnant l’expression libre à un malade mental abandonné dans la rue, il faut aller voir les résultats. Passez à Porto-Novo, visitez le . Vous verrez que les résultats sont magnifiques. Vous ne pouvez pas imaginer que des personnes abandonnées dans la rue peuvent être des artistes talentueux.

 

Vous tenez donc un Centre où sont réunies des personnes abandonnées dans la rue.

J’ai un Centre d’art thérapie que j’ai créé en 2017 où j’accueille deux fois par semaine les personnes abandonnées dans les rues.

 

Comment se fait cet accueil ?

 

C’est une passion. Après quand j’ai remporté le 1er Prix national de la photographie que j’ai eu cette intuition d’être le porte-parole des personnes abandonnées. La seule chose qui m’a sauvé c’est mon appareil photo, qui m’a permis de créer le lien vers ces personnes. Je propose de les prendre en photo, et c’est là où j’ai réalisé qu’elles ont besoin de nous. La plupart d’entre elles ont accepté de se photographier. Après j’ai rencontré des amis Belges qui m’ont orienté vers le seul centre psychiatrique de Jacquot où j’ai travaillé deux ans bénévole. Je suis allé installer des ateliers d’expression artistique où j’accompagne ces personnes avec ma photographie. Je fais une médiation avec la photographie. J’ai remarqué que l’idéal c’est de créer une association qui va les défendre. D’où l’Association « Vie et solidarité » qui a accepté de créer le Centre d’art-thérapie pour accueillir ces personnes.

 

Le noir, et donc la tristesse ne domine-t-elle pas vos photographies ? il y a quand même des personnes qui ont fait la rue, ce qui ne les a pas empêchés de se réaliser dans la vie.

 

Moi je ne vois pas de la tristesse. Je ne suis pas là pour faire du beau. J’essaie de placer l’âme dans mon travail. Le travail, quand vous l’observez, il ne s’agit pas de la tristesse. Il y a la joie. La fille qui est là par exemple n’est pas triste. C’est pour changer la mentalité, c’est pour permettre aux humains de se reconstruire, c’est une manière d’amener l’être humain à chercher le lien, ses rapports avec des éléments de la vie.

 

LIRE AUSSI: Sébastien Boko : « Je superpose des têtes qui veulent aller plus loin »

 

Il faut faire des analyses de conscience pour nous soigner. Si nous avons des maladies aujourd’hui, les changements climatiques, c’est dû au non-respect de la nature, ce qui crée des dégâts. On se pare de beaux vêtements mais nous avons des difficultés et pourtant c’est beau quand nous nous parons. C’est ce que je ressors dans mes créations. Le beau ne manque pas, mais il y a un questionnement qui permet à l’homme de faire l’analyse de conscience.

 

Lorsque vous recueillez les personnes dans le centre, vous les initiez à l’art ou vous faites d’eux de simples sujets de votre art ?

 

Non, elles sont capables de créer leurs propres œuvres. Le 15 octobre prochain nous organisons une rencontre internationale sur la santé mentale au Bénin. A ce rendez-vous nous avons invité un artiste talentueux venu en résidence chez nous qui a créé des œuvres avec les patients. Nous allons faire la restitution le 15 octobre et montrer le travail avec nos archives, les œuvres qui ont été créées par les pensionnaires. On fait la photo, l’atelier peinture, la musique traditionnelle, on fait l’alphabétisation. Parce que quand vous prenez les trisomiques ils ont un retard. C’est pour accorder une place à ces trisomiques dans la société que dans notre société ils sont divinisés : ce sont les Tohôssou. C’est une manière de les insérer dans la société. Venez à Porto-Novo découvrir les œuvres de ces talentueux artistes. Moi, je ne les appelle plus des personnes malades. Ce sont des artistes, ils arrivent à créer, à exprimer leur monde interne.

 

Comment se passe enfin votre travail avec les personnes malades mentales. N’y a-t-il pas des risques ?

 

Je rappelle que c’est mon appareil photo qui m’avait sauvé. Cet instrument m’a amené à me familiariser avec ces personnes. Ma technique de leur apprendre à se photographier est celle-ci : je mets le patient derrière l’appareil et devant je lui montre le b.a ba de la photographie. Je lui montre le déclencheur, là où il faut visualiser le sujet. Quand elles appuient, le résultat qui sort crée l’émotion. Jusqu’à développer la photo et l’accrocher la personne est guérie. Ce n’est pas de la blague. Certains n’y croient pas ! nous nous n’utilisons pas des médicaments. L’idée même, après les traitements dans les hôpitaux, le patient est renvoyé dans la famille sans une politique de suivi. Et nous nous avons créé cet espace pour permettre aux jeunes de venir se ressourcer, pour faire un travail d’accompagner et de réinsertion socioprofessionnelle. Quand l’œuvre est créée, l’individu, il existe.

*Entretien réalisé lors d’un vernissage à la résidence de l’Union européenne à Cotonou.

Quelques photos des œuvres

Louis Oke Agbo

Photos : Donatien SOWANOU

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