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Terrorisme en Côte d'Ivoire

Terrorisme en Côte d’Ivoire : Le bouclier Ivoirien résiste à l’onde sahélienne

Par Arnauld KASSOUIN
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Le terrorisme en Côte d’Ivoire se caractérise par une vague d’attaques essentiellement concentrées dans la zone Nord-Est. En dehors bien sûr des signes de radicalisation et d’extrémisme observables à l’intérieur du pays. Toutefois, il est important de préciser que la Côte d’Ivoire fait bonne figure en matière de réponse face au phénomène. La Côte d’Ivoire ne devrait-elle pas servir de cas d’école ?

« Le terrorisme en Côte d’Ivoire est une menace à ne pas prendre à la légère » (Jean-Marc Kouamé, 2025). Les nombreuses actions initiées par le gouvernement ivoirien pour combattre ledit phénomène, illustrent bien l’affirmation de Jean-Marc Kouamé, coordonnateur national de Wanep Côte d’Ivoire. Il n’y a pas que ça. Car la dégradation continue du tissu sécuritaire des pays avec lesquels la Côte d’Ivoire partage ses frontières du Nord est remarquable. En effet, elle partage 1116 km avec le Mali (532 km) et le Burkina Faso (584 km). Ces deux pays précités, sont respectivement 3ème et 1er au classement des pays les plus touchés par le terrorisme dans le monde en 2024 (Global Terrorism Index). Cet état de choses conforte une fois encore, les propos du coordonnateur national de Wanep Côte d’Ivoire. De ce qui précède, comment la Côte d’Ivoire organise sa stratégie de contre-terrorisme ?

Selon le rapport de l’indice mondial du terrorisme, la Côte d’Ivoire observe une certaine stabilité. En vérité, de 2022 à 2024, alors que la plupart des Etats côtiers Ouest-africains francophones maintiennent leur position dans le top 30 des pays durement touchés par le terrorisme, la Côte d’Ivoire s’est distinguée. De 42ème place dans le rang des pays les plus touchés, elle s’est hissée à la 47ème place en 2023. Avant de s’échouer à la 46ème place en 2024. Sa gestion du contre-terrorisme qui lui permit de se distinguer se spécifie par une approche pluridimensionnelle. C’est ce qui explique en majorité « la relative stabilité observée dans les régions du Nord du pays » selon Erwan Florian Kouame, analyste politique.

Autrement dit, malgré la proximité géographique de cette dernière avec des foyers de tensions comme le Burkina Faso et le Mali, la stratégie nationale adoptée reste inébranlable. Puisque, c’est ce qui lui évite pour le moment la vague d’attaques et d’incursions terroristes auxquelles font face le Togo et le Bénin. En réalité, officiellement, la Côte d’Ivoire fait partie des premiers pays côtiers francophones a essuyé les revers du phénomène terroriste. L’attaque de Grand-Bassam, du 13 mars 2016 (19 morts) illumine le raisonnement avancé. Cette attaque a eu lieu au sud du pays, près de la capitale économique Abidjan.

Arnauld KASSOUIN

L’après Grand-Bassam

Le terrorisme n’épargne personne. De même qu’il n’a pas de religion, il s’oppose à la guerre conventionnelle. Pour ce qui concerne la Côte d’Ivoire, à la suite de l’attaque de Grand-Bassam, plusieurs faits cimentent la réalité du terrorisme en Côte d’Ivoire. Le 10 juin 2020, par exemple, Kafolo a enregistré une attaque terroriste menée par des combattants du Gsim. L’attaque a fait « une dizaine de morts et six blessés dans le rang des soldats ivoiriens ». Près de 11 mois après, soit le 29 mars 2021, deux postes de l’armée ivoirienne situés respectivement à Kofolo et Kobolougou ont été également la cible d’une attaque. Celle de Kafolo aurait occasionné « deux morts » selon les propos d’un habitant de la zone rapporte France 24. Quant à celle de Kobolougou, il aurait fait un mort dans le rang des Fds lit-on sur africanews.

Le 7 et le 12 Juin 2021, Tougbo et Téhini ont été ciblés à leur tour. La plupart de ces attaques ont eu lieu dans les régions frontalières au Burkina-Faso et du Mali. C’est la preuve que le sud des pays de la bande sahélo-saharienne présente des fragilités sécuritaires importantes. Objectivement, après l’attaque meurtrière de Grand-Bassam, il a fallu 4 ans pour enregistrer de nouvelles attaques. Soit en Juin 2020. Cet état de choses s’explique par le fait qu’entre les deux attaques se trouve deux logiques contraires.

Assurément, l’attaque de Grand-Bassam s’inscrit dans une dynamique régionale. « Cette attaque a lieu dans un contexte, de conquête territoriale » des mouvements armés au niveau régional, notamment au Mali et au Burkina-Faso argumente Lassina Diarra, Directeur de l’Institut Stratégique de l’Ailct lors dune discussion téléphonique. Tandis que, celles du Nord sont susceptibles d’être un « signe de représailles » contre la Côte d’Ivoire, pense Niagalé Bagayoko du Réseau Africain du Secteur de la Sécurité sur TV5 monde.

L’approche Ivoirienne

Face à l’émergence du terrorisme en Côte d’Ivoire, le gouvernement en place a entrepris plusieurs actions. Ces initiatives vont de l’instauration d’un cadre juridique aux opérations militaires et s’étendent vers des politiques socio-économiques. Par exemple, en ce qui concerne le volet juridictionnel, on a la loi n°2015-493 portant répression du terrorisme du 7 juillet 2015, complétée par la loi n°2016-992 du 14 novembre 2016 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

« Si on compare la Côte d’Ivoire aux États du Sahel, dans lesquels les jihadistes progressent régulièrement, on peut constater que le pays a plutôt bien réagi, en associant la sécurité à une approche socio-économique inclusive » renchérit dans le rapport de Crisis group Briefing Afrique n°192. Cela est rendu possible par le fait que « ce sont des dispositifs militaires importants qui sont mis en place dans certaines localités telles que Téhini, Kafolo, Doropo et Ouangolodougou » explique Jean-Marc Kouamé.

La création de la Zone Opérationnelle Nord (ZON) a engendré un déploiement important des Forces armées de Côte d’Ivoire dans toutes leurs composantes. En dehors de la militarisation des frontières nord du pays, le gouvernement a engagé une réponse holistique et inclusive. Cela s’est matérialisée par l’implication de toutes les couches de la société civile dans les mécanismes de contre terrorisme. En particulier, des « guides religieux et des communautés des zones impactées » dans la lutte contre les discours extrémistes, renseigne Namidja Toure.

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Plus loin, ce dernier indique que le programme, « La mallette pédagogique » a été d’une grande aide. Car il aurait permis de former les leaders religieux, notamment musulmans et imams, sur la compréhension de l’islam. La lutte contre le terrorisme en Côte d’Ivoire se traduit aussi par le programme spécial du Nord qui combine présence sécuritaire à des investissements dans des programmes sociaux ciblant les jeunes. Le plus intéressant est la mise en place d’une Académie Internationale de lutte contre le terrorisme en Côte d’Ivoire (Ailct).

AILCT, la reine de l’échiquier ivoirien

Contre le terrorisme en Côte d’Ivoire comme dans tout autre pays confronté à la menace, un accent est mis sur la coopération. Que la coopération soit régionale ou internationale en matière de lutte contre le terrorisme, elle a un fort impact à ne pas négliger. L’Ailct est la première académie spécialisée en matière de contre-terrorisme de la sous-région Ouest-africaine. Pourtant, elle est le fruit d’une coopération entre la France et la Côte d’Ivoire. Pour Lassina Diarra, cette académie « se veut un lieu de partage d’expériences et de prospective, visant à développer, au service de l’Afrique, les compétences requises par la récurrence du péril ». « Le projet s’articule autour de la formation, laquelle se décline en trois axes majeurs : le niveau stratégique, incarné par un institut de recherches, l’action judiciaire et l’engagement opérationnel et tactique, se complètent » poursuit ce dernier.

La gestion du terrorisme en Côte d’ivoire affiche des prouesses importantes. « Beau satisfecit mérité quelque part en raison des efforts fournis, et d’une approche assez globale de la question afin d’en traiter du mieux possible tous les maux » estime Emmanuel Fabry, expert en géopolitique et sécurité dans un post sur LinkedIn. En réaction à ce commentaire, Simon Badema Yaro, expert en management de sécurité, affirme et ironise « qu’il vaut mieux pour les autorités ivoiriennes de s’inspirer du passé très récent des trois pays de l’Aes au lieu de se chatouiller les esprits ». Amani Antoine Kouamé, Ex-commandant de brigade gendarmerie, prend le contre-pied des propos de Simon Badema Yaro. En effet, pour lui, toujours dans un post sur Linkedin, clame que « le modèle ivoirien doit servir d’exemple, parce que la lutte contre le terrorisme n’est pas exclusivement militaire ».

L’échec du régional

L’échec des réponses en matière de contre-terrorisme au sahel central a contribué de manière significative à l’arrivée des groupes islamistes militants vers les pays côtiers. Mieux, « la violence s’est rapidement accélérée à la suite des putschs au Mali, au Burkina Faso et au Niger, déstabilisant la sous-région sahélienne » confirment Daniel Eizenga et Amandine Gnanguênon. Plus grave, les relations sont aujourd’hui tendues avec les pays constituant l’alliance des Etats du sahel. Alors qu’ils étaient d’un grand appui pour les pays de l’Afrique de l’Ouest. Notamment pour la Côte d’ivoire en termes de coopération militaire, de partage d’expérience et du renseignement. Quand-même, outre la solution militaire dans laquelle investisse la plupart des pays ouest-africains et du sahel en matière de coopération régionale, il y a à noter que cette dernière ne pourrait être efficace que si elle nécessite une approche complète, s’attaquant aux racines du phénomène.

« Ce qu’il faut, c’est d’orienter cette coopération régionale pas que sur le tout répressif » argue Jean-Marc Kouamé, Coordonnateur Wanep Côte d’Ivoire. Parce que, « les réponses nationales et internationales, elles aussi armées, négligent un enjeu majeur : le succès de cette idéologie dans les sociétés » révèle Lassina Diarra dans « Sahel : pourquoi l’idéologie compte dans la lutte contre le terrorisme ». A cet effet, il est essentiel de coupler les approches régionales de contre-terrorisme et de lutte contre l’extrémisme violent à des facteurs socio-historique et même anthropologique. La preuve, l’extension du phénomène terroriste vers les pays du Golfe de guinée comme la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo et le Bénin est due à la non prise en compte de ces aspects par l’ensemble des acteurs étatiques de la région.

Leçon d’utilité

Les diverses crises politiques, caractérisées par les coups d’Etats de 2020 en 2023 ont favorisé l’expansion du phénomène terroriste vers les pays du sud. A vrai dire, ces différents coups d’Etats ont induit une nouvelle dynamique régionale. Que cela soit en termes de sécurité, coopération régionale et socio-économique. « Ce contexte fragilise particulièrement les pays du Golfe de Guinée, comme la Côte d’Ivoire, qui ont jusqu’ici réussi à rester relativement stables » analyse Ewan Florian Kouame, analyste politique. Mieux, « heureusement, la Côte d’Ivoire n’a pas confié son destin sécuritaire à ces pays du nord » se réjouit Namidja Touré, Journaliste, spécialiste des questions de défense et de sécurité en Côte d’Ivoire. Depuis lors, la Côte d’Ivoire a engagé des politiques sectorielles sécuritaires pour mieux renforcer la sécurité de son territoire au Nord du pays.

Au-delà de ce raisonnement, Jean-Marc Kouamé, considère plutôt que « l’avantage de la Côte d’Ivoire, à l’image même d’autres pays du Golfe de Guinée, aurait pu, simplement être qu’ils ont pu suivre l’expansion du phénomène extrémiste dans les pays limitrophes ». Pour que la Côte d’ivoire conserve sa relative stabilité, une normalisation des relations bilatérales avec le Mali et le Burkina Faso est essentielle. Ça pourrait lui couter la peau des fesses du diable. Mais, cet acte est important vu l’acharnement terroriste qu’il y a eu sur les pays comme le Nigéria et le Bénin après la dégradation continuelle des relations avec les pays qui constituent l’Alliance des Etas du Sahel. En plus, la Côte d’ivoire se prépare à accueillir une joute électorale le 25 octobre prochain.

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