- les jours étaient flottants par le passé
- il y aura plus d’engouement que par le passé
Après 30 ans de célébration continue, la fête du «10 janvier» perd sa fixité et est désormais déplacée au deuxième vendredi du même mois. Ainsi en a décidé l’Assemblée nationale à travers le vote, en sa 2e session extraordinaire au titre de 2024, de la loi 2024-32 fixant la date de la fête des ”religions traditionnelles” en République du Bénin. Dès lors, des critiques rappellent que le jour du vendredi est inapproprié pour des rituels. Le professeur Dodji Amouzouvi est d’avis contraire. Ce changement calendaire est sans risque au plan énergétique, rassure le professeur titulaire des universités du Cames en sociologie religieuse et membre du Comité des rites Vodun.
•Bénin Intelligent : Désormais, la fête du Vodun ne sera plus célébrée le 10 janvier, mais le 2e vendredi du mois. Ce changement ne risque-t-il pas d’affecter la ferveur que nous avons l’habitude d’observer autour de cette fête ?
Professeur Dodji Amouzouvi : Je ne fais pas cette lecture. Je fais même une lecture essentiellement contraire. C’est maintenant qu’il y aura davantage d’engouement parce que les jours étaient flottants par le passé. Parce que les jours étaient uniques par le passé. Et parce que dans toute institution sociale, il faut évoluer avec cette société, il faut évoluer avec ses expériences et il faut évoluer avec le temps. Si vous regardez bien, nous avons aujourd’hui au moins 2 jours déjà qui sont fériés et deux jours qui viennent s’ajouter. Donc minimum, on a 4 jours puisque le jeudi d’avant sera férié.
Si on a 4 jours, on peut planifier les activités, on peut planifier des voyages même sur la destination Bénin et forcément il y aura plus d’engouement que par le passé où nous n’avions qu’une seule journée. Je dis radicalement non. Ça ne diminue pas l’engouement, ça booste plutôt les ferveurs et l’engouement par rapport à cette fête-là.
Vu que cette fête est censée célébrer le Vodun et que le Fa est le messager du Vodun, est-ce qu’il y a eu une démarche menée dans ce sens pour justement s’assurer que les Vodun agréent le choix de cette nouvelle date ?
Pourquoi allez-vous pleurer si on vous dit que vous êtes beau ou belle ? Quand on vous fait un compliment, vous pleurez, vous ? Quand on vous offre quelque chose de beau, vous rejetez ? Quand vous mettez du miel dans la bouche, vous rejetez ? Non !
Déjà à priori on n’a pas besoin de consultation. Moi je vous parle en tant que citoyen ordinaire. Pas besoin de consultation pour faire ça. Et n’oubliez pas que le gouvernement est dans la démarche d’un nouveau souffle pour l’industrie touristique, pour la promotion de nos cultures, des pratiques culturelles et de tous nos rites. N’oubliez pas qu’investir dans la culture et faire de la culture un levier pour notre développement est un leitmotiv du gouvernement. Et pour faire cela, si je suis à la place du gouvernement, je ne vais pas consulter le Fa.
Troisième élément, les législateurs, nos députés à l’Assemblée, donc le peuple béninois a trouvé qu’il faut faire les choses comme elles ont été faites. Pourquoi voulez-vous qu’on consulte avant pour pouvoir contenter ou pour fâcher les dieux ? Ce qui est vrai pour les hommes est vrai pour les dieux. Si les dieux sont là pour vouloir le développement des hommes, si tel que ça a été fait, c’est pour assurer notre développement, un dieu qui va s’opposer à cela n’est pas dieu. Un dieu qui ne voudra pas ou va te chasser à cause de cela aura les hommes sur son chemin, donc ne sera plus adoré.
Non ! Ça ne se passe pas comme ça dans le monde divin. Au contraire, tout ce qui vient pour mettre en valeur, pour célébrer, pour louanger, pour chanter les dieux sont les bienvenus.
Nous avons cru comprendre que le vendredi est un jour spécial pour certains vodunnon et vodunsi. Certains s’abstiennent même de faire des sacrifices ce jour-là. Et c’est justement un vendredi qui est retenu pour célébrer le Vodun. Ne doit-on pas craindre des accrochages ou réticences ?
Non ! Je vais poser une question à tous ceux qui veulent soulever cela comme un handicap. Lorsque vous avez des principes, des tabous, ou des interdits à observer dans ce sens-là pour un vendredi, que vous êtes un grand dignitaire et que pile poil, votre enfant tombe malade ou tombe en crise et que vous devez aller vers le Vodun pour sauver votre enfant, est-ce que vous allez évoquer l’argument de ‘‘c’est vendredi’’ pour ne pas aller implorer la clémence et l’accompagnement de ce dieu-là ? Vous allez le faire !
Et de quoi parlons-nous ? Nous parlons d’un seul vendredi sur les 52 semaines que nous avons, sur les 365 jours que nous avons. Et même si ça avait été un problème, ce n’est pas tous les vendredis qu’on leur arrache maintenant. Donc il n’y a pas matière, lorsqu’on dit qu’on va faire quelque chose de bien, à évoquer cela. Si c’est un problème majeur, à l’intérieur de ces obédiences-là, on trouvera des moyens pour régler ce problème.
N’oubliez pas que le jeudi est férié. N’oubliez pas que le samedi et le dimanche sont là. Et qui sont des jours d’habitude fériés. Et donc concentrer la fête sur le dimanche n’enlève rien à tous les interdits, à tous les tabous qui concernent certaines obédiences.
D’ailleurs, je voudrais répondre à tous les collègues, à tous les compatriotes qui disent « mais pourquoi férier jeudi et la fête ? Pourquoi férier avant et non après ? » Dans le Vodun, c’est la veille qu’on prépare le lendemain. C’est la veille qu’on met en place tout ce qui doit se faire. Ce n’est pas après la fête qu’on prépare la fête.

Le peuple connait, dans le monde du Vodun, lorsque je veux faire une grande cérémonie ou faire la prière, c’est la veille que je vais vers les Vodun. C’est la veille que je fais les rituels qu’il faut afin de pouvoir les célébrer le lendemain. De ce point de vue, ceux pour qui le choix du vendredi constitue un problème, c’est un tabou, c’est un interdit, ils ont toute la journée de la veille pour faire tous les rituels qu’ils ont à faire pour libérer le vendredi ou l’occuper à toutes les autres choses qui sont à côté des choses non-interdites. Donc le problème ne se pose pas.
