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Romuald Wadagni sur Rfi : « Les 100 milliards de dollars pour l’Afrique ne sont pas un vœu pieux »

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
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100 milliards de dollars pour l’Afrique d’ici à la fin de l’année, c’est ce qu’espèrent les quelque trente dirigeants africains et européens qui ont participé mardi au sommet de Paris. Le problème, c’est que, mécaniquement, dans le système des « Droits de tirage spéciaux » du FMI, les pays africains ne peuvent recevoir « a priori » que 33 milliards de dollars. Il faut donc que les pays riches renoncent à une partie de leurs droits au profit des pays pauvres. Romuald Wadagni est le ministre béninois de l’Économie et des Finances, répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

 

RFI : Les participants au sommet de Paris ont exprimé le souhait que le Fonds monétaire international (FMI) débloque quelque 100 milliards de dollars pour l’Afrique, sous forme de droits de tirage spéciaux (DTS). Mais est-ce que ce n’est pas un vœu pieux ?

Romuald Wadagni : Pour nous, il ne s’agit pas d’un vœu pieux, parce qu’en réalité, cette proposition d’avoir des ressources nouvelles est celle que le Bénin, par la voix du président Patrice Talon, a défendue dès avril 2020 lorsqu’il a envoyé une note à l’ensemble des dirigeants du G20 et à ses codirigeants des institutions internationales tel que le FMI, proposant trois solutions dont la première était l’utilisation des DTS [droits de tirage spéciaux] pour fournir des ressources nouvelles à nos pays. Je rappelle également que le Fonds monétaire [international] estime que les besoins d’urgence pour l’Afrique d’ici 2025 s’élèvent à quelque 285 milliards de dollars. Donc, espérer 100 milliards sur un besoin de 285 n’est pas un vœu pieux, puisque nous savons très bien que le montant prévu à être débloqué au titre des DTS aujourd’hui est de l’ordre de 650 milliards.

Oui, mais il faut tout de même que les pays riches qui ont ces droits de tirage spéciaux en priorité renoncent à leur quote-part et acceptent de les réallouer à des pays africains par exemple…

Mais, c’est là tout l’intérêt de la solidarité mondiale. Vous savez, la solidarité internationale se manifeste aujourd’hui par la capacité de certains pays de pouvoir donner leur quota de DTS à d’autres pays.

Mais ce n’est pas gagné monsieur le ministre. La France a dit oui, mais les États-Unis n’ont pas encore dit oui, loin de là….

Ce n’est pas du tout gagné, mais pour nous, déjà une partie de la bataille est gagnée, parce que rappelez-vous en avril 2020, quand le président Patrice Talon a demandé de réfléchir à l’attribution d’allocations nouvelles sous forme de DTS, le Bénin était le seul à faire ça. Donc, aujourd’hui qu’il y ait l’unanimité autour de cette proposition est déjà une bonne nouvelle. Et nous sommes convaincus que les autres pays suivront la proposition française d’aller vers cette allocation.

Vous souhaitez que les Américains, les Japonais, tout le monde suive ?

Nous souhaitons qu’ils suivent. Et je rappelle que le Japon a participé au sommet [de ce 18 mai] tout à l’heure et n’a pas objecté à ce plaidoyer.

Une prolongation du moratoire sur le remboursement de la dette jusqu’à la fin de l’année. Est-ce que c’est pour vous une bonne nouvelle ?

Nous, nous sommes fidèles à notre position et je me réjouis que la déclaration finale, que vous avez certainement reçue, n’ait pas parlé d’annulation de dette et de moratoire. Nous considérons que les questions de dette pour des pays qui ont des situations particulières doivent se traiter au cas par cas, mais pour l’Afrique en général, il y a des solutions qu’il faut privilégier, comme celle de l’allocation des DTS.

Donc, pour le Bénin, un moratoire sur le remboursement de la dette, ce n’est pas une priorité. C’est ça ?

Pour le Bénin, le moratoire sur le remboursement de la dette n’est pas une priorité, non.

Mais pourquoi ? Parce que vous souhaitez pouvoir toujours être crédible aux yeux des institutions financières qui peuvent prêter de l’argent ?

Notre logique a toujours été de dire que, quand on a durement acquis une crédibilité sur la place des marchés, en période de crise, le premier réflexe, c’est de s’assurer d’avoir les capacités d’honorer ses engagements. Et donc, toutes les solutions qui permettent au pays d’avoir des ressources nouvelles pour honorer les engagements doivent être privilégiées. C’est pour cela que nous nous réjouissons de l’initiative d’émissions de DTS. Cela dit, il y a des pays qui ont des situations particulières et qui nécessitent de s’asseoir avec les prêteurs, les bailleurs pour renégocier, rééchelonner les dettes. Ces situations peuvent exister et nul ne saurait s’opposer à ces situations. Mais par principe, s’il est possible de trouver des solutions pour avoir de la trésorerie nouvelle et être en mesure de toujours honorer ses engagements, il est préférable de partir dans cette direction, car c’est la direction qui permet de préserver la signature, la crédibilité, et la capacité à retourner sur le marché.

C’était mardi sur RFI, Bruno le Maire, le ministre de l’Economie, a eu cette phrase : « Pour régler la question du surendettement des pays africains, il faut que les gens paient des impôts. Quand vous avez 60% de dettes et seulement 5% de recettes fiscales, vous n’arrivez pas à rembourser cette dette ». Qu’en pensez-vous ?

En matière d’endettement, nous sommes d’accord que le premier point, c’est de faire les efforts nécessaires pour accroître les capacités de mobilisation de recettes internes. Ce sont les réformes pour moderniser les régies, limiter la corruption, les déperditions sur la chaîne de collecte des recettes publiques. Ce sont tous les efforts qu’il faut pour réduire le poids de l’informel et élargir la base fiscale. Ça, nos pays sont engagés dans ces différentes réformes. Et plus nous encaissons, plus nous engrangeons de ressources propres, plus la capacité d’avoir accès aux financements extérieurs est grande. Maintenant, s’agissant de la dette, je pense que pour construire une route par exemple, qui a une durée de vie de 30-40 ans, il est impensable que l’on aille s’endetter à 5-7 ans à des taux de 10%. C’est ce qu’on voit dans quelques pays, parce que la pression de la population est là pour que l’investissement se réalise.

Donc, il vaut mieux emprunter sur 30 ou 40 ans…

Il vaut mieux emprunter long et aller chercher des financements très longs.

À des taux plus faibles…

À des taux plus faibles. Donc, vous avez beau avoir un investissement qui est nécessaire pour la population, s’il on fait mal cet investissement, vous aurez une dette de mauvaise qualité et qui pourrait poser des problèmes de soutenabilité. Le deuxième élément qui est fondamental, c’est que j’arrive à mobiliser des ressources avec une cohérence entre la durée de l’investissement et la durée du projet, mais j’ai une mauvaise gouvernance dans l’exécution du projet. Donc, cela veut dire qu’il faut également continuer les efforts pour plus de transparence dans les processus de passation de marchés et dans toute la gouvernance qui entoure l’exécution des projets financés par les ressources.

Il ne faut pas que le projet coûte deux fois plus cher que prévu…

Absolument.

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